Les parcs éco-industriels, au service de l’économie et de l’environnement

Publié le 15.06.2016
Lycée
Sciences de la vie et de la terre

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Dans l’imaginaire collectif, la « zone industrielle » n’a pas une bonne image : nuisance pour les riverains, pollution de l’air et des sols, émissions de déchets, risques d’accidents. Dans les années 1990, un concept nouveau apparait aux États-Unis : celui des « parcs éco-industriels » (ou éco-parcs), qui vise à réconcilier performance économique et respect de l’environnement.

Un parc éco-industriel est une communauté d’entreprises, industrielles et de services, qui cherchent une performance environnementale et économique améliorée grâce à une collaboration dans la gestion de l’énergie, de l’eau, des déchets et à des échanges de services et de produits. Bref, l’idée de travailler ensemble pour dégager un bénéfice collectif, ce qu’on appelle des « symbioses industrielles »1.

En vingt ans, le concept a connu un écho mondial. L’ONUDI (Organisation des Nations unies pour le développement industriel) estime à 20 000 le nombre de tels parcs dans le monde. Le nombre d’entreprises concernées peut être très variable, de quelques unités à quelques centaines, voire plusieurs milliers comme en Chine. Fait remarquable, le concept a été appliqué aussi bien dans le monde développé que dans les pays en développement. La Chine est partie dès les années 2000 dans cette direction, sous l’impulsion très forte de l’état, et l’Inde a créé également plusieurs parcs. La Corée du Sud, le Japon et, en Europe, les Pays-Bas sont les pays les plus avancés. La Suède, le Danemark, l’Allemagne, l’Australie, les États-Unis ont fortement adhéré à ce mouvement.

20 000 :
le nombre estimé de parcs éco-industriels dans le monde

L’énergie et l’eau

Il y a une grande diversité de situations mais la coopération entre entreprises s’exerce dans quatre domaines principaux : l’énergie, l’eau, les échanges de matières et de déchets et les services à l’entreprise.

En matière d’énergie, la joue un rôle essentiel : beaucoup d’industries en produisent pour assurer leurs procédés de transformation, mais une grande partie est perdue.  

L’idée est donc de récupérer la chaleur au bénéfice d’entreprises voisines, au lieu de la laisser se perdre dans l’atmosphère. En outre, les déchets produits par des entreprises sur un site peuvent être utilement convertis localement en chaleur, réutilisés sur place ou envoyés dans des réseaux de chaleur urbains d’agglomérations proches. La production locale d’électricité, notamment renouvelable, peut également être partagée.

L’eau, qui est souvent le vecteur de cette chaleur, constitue dans de nombreux cas une ressource rare. L’installation d’entreprises de traitement de l’eau auprès d’industries fortement consommatrices permet une meilleure gestion.

Les coopérations s’expriment dans de nombreux autres secteurs : les liaisons avec les centres de recherche et d’innovation technologique, la création d’emplois dans un territoire donné, la rationalisation des transports, l’optimisation du foncier.

Les parcs éco-industriels permettent de mieux gérer l’énergie, l’eau et les déchets.

Voici quelques exemples de parcs eco-industriels existants :

Le parc de Tianjin – En Chine, à 130 km de Pékin, le TEDA (Tianjin Economic and technical Development Area) est l’un des quelques 30 grands parcs chinois, créés et dirigés par l’état dans l’idée d’avoir des zones pilotes qui introduisent des régulations et des normes et attirent les investissements étrangers. Le parc TEDA est immense : 14 000 entreprises, dont 1 500 industries et 5 000 sociétés étrangères, employant plus de 350 000 personnes. La première action a été d’attirer des prestataires locaux au plus près de grands groupes automobiles (Toyota), informatiques, agro-alimentaires, pétrochimiques. Deux grandes catégories de « symbioses » ont été instaurées : d’abord le recyclage des déchets, en installant des unités de traitement au plus près des industries productrices de déchets, ensuite des infrastructures mutualisées pour l’approvisionnement en eau et en énergie.  L’eau était rare et les terrains très salins. La création d’une grande centrale à charbon a eu trois objectifs en dehors de la production d’électricité : dessaler l’eau de mer, réutiliser les rejets thermiques au bénéfice des entreprises du parc, valoriser les cendres volantes de charbon pour fabriquer des revêtements routiers.

Le parc de Kalundborg – Située au nord-ouest de Seeland, la principale île du Danemark, Kalundborg est le pionnier des éco-parcs, puisque les premiers projets de coopération ont commencé en 1961. Une de la compagnie pétrolière Statoil, gênée dans son développement par le manque d’eau souterraine, a cherché à rationnaliser sa consommation. Elle a alors échangé son eau de refroidissement, sortant à une température de quelque 30 °C, avec une centrale à charbon voisine qui la récupère dans ses chaudières. A partir des années 1980, un réseau de chaleur a été construit dans la ville de Kalundborg, récupérant de l’eau à la sortie de la centrale thermique. Le réseau de chauffage à distance a permis de supprimer 3 500 chaudières individuelles au fioul. Des industries du verre, de la pharmacie, de la biotechnologie se sont peu à peu agrégées au parc, échangeant de multiples produits et services, faisant de Kalundborg un modèle européen.

Le Port de Rotterdam – Quelque 80 industriels du plus grand port des Pays-Bas ( , , gaz industriels) se sont organisés eux-mêmes pour lancer un parc avec trois grandes fonctions : récupérer des émissions de CO2, brûler les déchets pour chauffer une partie de la ville, implanter des éoliennes et des centrales à . Le CO2 récupéré sur une raffinerie et une unité de production de biocarburants est revendu à 500 entreprises spécialisées dans les serres agricoles. En effet, la concentration en CO2 dans l’air favorise la et accroît la productivité de la serre. Du CO2 est également récupéré pour être stocké dans les champs de pétrole danois.

Le parc de Pomacle-Bazancourt  Situé près de Reims, dans l’Est de la France, le site présente l’originalité d’une expérience industrielle « aux champs », par opposition aux réalisations situées près des ports ou des banlieues de villes. Il est né de l’engagement d’agriculteurs visionnaires rassemblés au sein d’une sucrerie coopérative vieille de 60 ans. À partir des années 1990, le site betteravier est devenu un complexe agro-industriel et un pôle d’innovation sur le traitement de la biomasse à des fins non-alimentaires, très lié aux institutions de recherche et développement et puissamment soutenu par les territoires locaux et régionaux. Le parc procède à des échanges de matières organiques, d’énergie et à la valorisation de CO2. Le développement de telles bio-raffineries est encouragé par l’Union européenne.

 Le parc de Deux Synthe – Près de Dunkerque, dans le nord de la France, le parc créé en 1999 visait à revitaliser un territoire désindustrialisé, avec des problèmes environnementaux. Il regroupe 160 entreprises, notamment de multiples PME autour de groupes sidérurgiques (Arcelor Mittal, ex-Usinor), métallurgiques et pétrochimiques. L’air chaud de l’aciérie contribue à alimenter 70 % d’un réseau de chauffage urbain de 40 km équivalent à 16 000 logements. Les gaz sidérurgiques sont quant à eux valorisés par une centrale à cycle combiné gaz, dont l’électricité assure en retour 90 % des besoins électriques d’Arcelor Mittal, le reste étant remis sur le marché électrique. Une large gamme de produits et déchets (acide sulfurique, déchets de minerais, de bois, etc) sont collectés et recyclés. Les PME mutualisent aussi de nombreux services (gardiennage, signalétique, courrier).

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