L'intime relation entre l'énergie et l'eau

Publié le 30.08.2018
Lycée
Sciences de la vie et de la terre

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L’eau est une ressource indispensable dans la plupart des filières énergétiques. Elle est utilisée dans la génération d'électricité pour refroidir les centrales, dans l'extraction des énergies fossiles, dans le  du pétrole et aussi dans l'irrigation des cultures destinées à la production de biocarburants. Une gestion durable de cette eau est nécessaire, alors même que le « stress hydrique » de la planète est déjà accentué par l’augmentation de la population et par les effets du  .

Image d'ouvriers sur un chantier d'exploitation d'hydrocarbures de schiste à Watford City, dans le Dakota du Nord (États-Unis).

La distinction entre prélèvement et consommation

L’Homme prélève sur la planète des quantités massives d’eau pour assurer ses activités. L’agriculture est le secteur le plus exigeant, avec deux-tiers du total. Viennent ensuite les besoins en eau potable et en eaux destinées aux industries. Les opérations liées spécifiquement à l’énergie mobilisent 10 % de la quantité totale utilisée par l’Homme, selon les estimations de l’AIE (Agence internationale de l‘énergie). Mais cette proportion de 10 % va s’accroître d’ici 2040.

400 milliards de m3 :
la quantité d’eau prélevée par les industries de l’énergie, soit 10 % du total utilisé par l’Homme sur la planète.

Dans l’utilisation de l’eau, il faut bien distinguer le « prélèvement » de la « consommation » elle-même. 

 

Dans le premier cas, l’eau est prélevée dans un milieu naturel puis rendue à ce même milieu, soit sans modification (après avoir servi à un refroidissement de centrale par exemple), soit après un retraitement si sa composition a été affectée. 

 

La consommation quant à elle est définie comme le prélèvement dans un milieu naturel et le  bassin où elle s’évapore ou qui est injectée dans le sous-sol sans être récupérée. Il y a dans ce cas disparition de l’eau du milieu naturel d’où elle provient.

Il faut à l’inverse noter que certains processus peuvent conduire à une production d’eau. C’est le cas dans les exploitations d’hydrocarbures où de l’eau présente dans le sous-sol est remontée à la surface. Cette « production d’eau » est en moyenne supérieure à celle des hydrocarbures. 

Cette différence entre prélèvement et consommation est très marquée selon les filières.

La production d’électricité à partir des énergies fossiles et du nucléaire exige des prélèvements massifs : 342 milliards de men 2014. Mais 325 milliards de msont restitués au milieu naturel, la différence étant essentiellement due à de l’évaporation.

La production des énergies primaires (charbon, pétrole, gaz, biocarburants) prélève des quantités plus modestes (47 milliards de m3) mais en restitue très peu (16 milliards). Au total, donc, elle « consomme » plus que la production d’électricité.

Les différents usages

L’hydraulique : les centrales hydroélectriques ne prélèvent ni ne consomment d’eau (mis à part l’évaporation accrue des lacs de retenue). Elles extraient l’énergie des flux d’eau qu’elles canalisent, sans les modifier.

La  : l’eau chaude des nappes souterraines profondes est utilisée pour produire de la vapeur. La vapeur refroidie est réinjectée dans le sous-sol, constituant un circuit fermé, avec donc peu de pertes.

Les centrales thermiques : elles ont toutes besoin d’eau pour le refroidissement de la vapeur qui fait tourner les turbines productrices d’électricité. 

Les centrales nucléaires sont celles qui prélèvent le plus (dans des rivières ou dans la mer). L’eau circule dans un isolé du réacteur et est rendue à la nature, après avoir été ramenée à une température qui n’affecte pas l’écosystème.

Les centrales à charbon étant de loin les plus nombreuses, ce sont celles qui mobilisent au total le plus d’eau sur la planète.

Les centrales solaires thermodynamiques, c’est-à-dire celles dont les miroirs paraboliques captent la du soleil, sont également gourmandes en eau : c’est un problème car elles sont souvent situées dans des zones arides ou semi-arides. 

L’éolien et le photovoltaïque : ces deux énergies consomment très peu d’eau, hormis celle nécessaire à la fabrication des cellules solaires (leur lavage exige une eau très pure, qui circule généralement en circuit fermé).

Les biocarburants : produits à partir de végétaux, ils exigent des volumes très importants d’eau pour l’irrigation. Les biocarburants représentent ainsi en 2014 le quart de la consommation d’eau consacrée à l’énergie, à savoir plus que le charbon, plus que le pétrole, et bien plus que le gaz.

Le cas des hydrocarbures 

Les industries pétrolière et gazière exigent de l’eau aux différentes étapes, notamment lors du des puits. Mais c’est surtout l’exploitation du pétrolier qui est consommateur. Quand la pression est forte dans le réservoir, les hydrocarbures sortent facilement du puits. Mais, si la pression diminue, il faut injecter de l’eau. Celle-ci se positionne en dessous des hydrocarbures et les pousse vers la surface. 

Avec le temps, le champ pétrolier franchit son optimum, devient « mature » et produit à la fois du pétrole et de l’eau, celle déjà présente dans le réservoir et celle injectée. La moyenne mondiale de tous les puits se situe à un rapport de 1  d’huile pour 3 barils d’eau. Un puits mature peut produire 10 barils d’eau pour 1 baril d’huile. Certaines compagnies se sont spécialisées dans les champs en fin de vie d’où l’on retire jusqu’à 96 % d’eau ! 

L’eau injectée, provenant de rivières ou d’aquifères pour les exploitations à terre, ou directement de la mer dans les installations , doit être préalablement traitée. Il faut la débarrasser notamment de ses sulfates, qui pourraient affecter la du gisement, et de son oxygène, qui pourrait entraîner un développement bactérien et de la . L’eau que l’on récupère (appelée eau de production) est sous forme d’émulsion dans l’huile et d’une qualité très dégradée, souvent corrosive. Elle est retraitée pour être soit réinjectée dans le sous-sol, soit rejetée dans le milieu naturel1.  

Un puits de pétrole produit généralement 3 barils d’eau pour 1 baril d’huile (moyenne mondiale).

Les huiles de schiste et les sables bitumineux

La , utilisée pour récupérer les hydrocarbures de schiste, est marquée au démarrage par une phase aiguë de consommation d’eau. Il faut en effet injecter de l’eau sous pression pour casser la qui retient le méthane. Celle-ci circule ensuite dans le gisement et une partie – qui se mélange à celle du sous-sol - est récupérée. Il y a donc une forte utilisation instantanée, puis le besoin s’estompe. 

 Dans les sables bitumineux, le défi est de gérer les grands bassins de décantation (« tailing ponds ») où est déposée l’eau de lavage des sables. Plus de 90 % de l’eau peut être recyclée mais les bassins mettent des décennies à s’assécher. La fraction non volatile reste sur place. Souvent de vaste superficie, ces « tailing ponds » affectent localement les écosystèmes.

L’aval de l’exploitation : le raffinage

Les raffineries ont besoin d’eau pour le lavage initial du , pour la production de la vapeur et pour les circuits de refroidissement. Les eaux dites de « procédé » sont retraitées par des techniques physico-chimiques (décantation ou ) ou biologiques (par l’utilisation de bactéries qui attaquent les hydrocarbures). Des économies importantes dans l’utilisation ont été réalisés : selon l’IFP-Energies nouvelles (IFPEN), la consommation moyenne d’une est passée de plusieurs m3 par tonne de brut dans les années 1980 à une fourchette de 200 à 800 litres par tonne aujourd’hui.

 

Les chiffres des prélèvements et consommations (2014)

 

 

Source AIE

Les prélèvements et consommation

Les prélèvements d’eau effectués par les filières de l’énergie représentent 10 % du total des prélèvements. Mais compte tenu des restitutions aux milieux naturels, la consommation d’eau liée à l’énergie représente 3 % de la consommation mondiale.

En France, près de 60 % des volumes prélevés servent à refroidir les centrales de production d’électricité, notamment nucléaires, le reste étant réparti entre les besoins en eau potable et sanitaire (18 %), l’irrigation (15 %), et l’industrie (9 %).

 

Sources :

  1.  Les compagnies pétrolières se sont regroupées au sein d’un organisme pour analyser et réduire les impacts environnementaux de leurs activités, l’IPIECA.

 

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