Clichy-Batignolles : un écoquartier à Paris

Actualisé le 26.02.2024
Lycée
Sciences de la vie et de la terre

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Imaginez un quartier où les bâtiments consomment peu d’énergie, où l’on produit de l’électricité grâce au soleil, où l’on se chauffe ensemble, où l’on fait pousser des plantes et des légumes, où l’on se déplace facilement et où l’on discute avec ses voisins. C’est ce que propose l’écoquartier de Clichy-Batignolles, à Paris. La construction de ce quartier a commencé en 2010 et il sera terminé en 2024. Il ambitionne d’être un laboratoire pour les aménagements futurs de la Métropole du Grand Paris, avec ses 131 communes et 7,2 millions d’habitants. 

FRANCE - PARIS - ECODISTRICT - CLICHY BATIGNOLLES

Situé entre le boulevard périphérique, la porte de Clichy et le quartier des Batignolles, l’écoquartier1 a réceptionné de nombreux nouveaux immeubles aux normes environnementales les plus exigeantes, mis en place un système de chauffage par , installé des unités de production d’électricité photovoltaïque et agrandi les espaces verts.  

Sa réalisation a culminé en 2020 avec l’aménagement de la porte de Clichy2 autour des imposants bâtiments du nouveau Palais de Justice et de la Direction générale de la Police judiciaire de Paris. Ceux-ci ont déménagé de l’île de la Cité et de l’historique « Quai des Orfèvres ». Ouvert en 2023, l’immeuble « Stream building » se veut un symbole de l’architecture durable :  structure en bois, façades végétales, ferme urbaine sur le toit, avec production de houblon pour une bière locale. Les 20 000 litres annuels sont à consommer uniquement sur place ! 

600 mètres :
la profondeur de l’Albien, la grande nappe d’eau qui s’étend sous Paris et sa région.

Première condition : la sobriété

Le nouveau quartier a pour objectif d’assurer 85 % du chauffage et de l’eau chaude sanitaire du quartier à partir d’énergies renouvelables, majoritairement la géothermie. Pour que cela soit possible, il faut d’abord des immeubles avec une très grande qualité d’isolation. La Mairie de Paris a fixé dans ce quartier une limite de chauffage à 15 kWh/m2/an (sur la base d’une température intérieure de 18 °C). C’est une norme très ambitieuse : un bâtiment parisien énergivore, comme beaucoup des immeubles de briques rouges construits entre les deux guerres en bordure de la capitale, peut consommer jusqu’à dix fois plus ! Sans compter que les occupants veulent souvent plus de 18° C dans leur lieu d’habitation ou de travail.

 

La chaleur géothermique

Pour produire cette , le choix a été celui de la géothermie en utilisant la grande nappe souterraine de l’Albien, qui s’étend à 600 mètres de profondeur sous la région parisienne sur environ 80 000 km2. Très utilisée autrefois pour de multiples usages industriels ou artisanaux, elle est aujourd’hui protégée car elle est la réserve d’eau potable de Paris en cas d’urgence. Cinq forages existent depuis Paris intra-muros. La société publique « Eau de Paris » ayant prévu d’effectuer un sixième , il fut décidé de l’utiliser pour créer un « doublet » géothermique. Pour cela, un deuxième forage distant de 600 mètres du premier a été effectué pour réinjecter dans le sous-sol l’eau arrivée par le forage d’« Eau de Paris ».

Le principe du doublet est en effet de remonter de l’eau chaude à la surface, d’en extraire les calories pour chauffer des bâtiments, puis de la renvoyer dans la nappe. Dans le cas de Clichy-Batignolles (voir le schéma ci-dessous), l’eau de l’Albien est captée à une température de 30° C environ. Via des pompes à chaleur, elle est portée à 65 °C pour alimenter un réseau d’eau chaude sanitaire, et à une température un peu inférieure (entre 50° C et 65 °C) pour le réseau de chauffage.

Schéma simplifié du système géothermique de Clichy-Batignoles

Des échangeurs thermiques assurent une liaison avec le réseau de chaleur général, géré par  la CPCU3, afin de compléter l’apport calorique si besoin. L’une des difficultés des systèmes géothermiques est qu’ils fournissent une production très régulière alors que la consommation est très dépendante des variations de la température extérieure. Après avoir cédé ses calories à chaque bâtiment, via des petits échangeurs, l’eau refroidie repart vers le sous-sol à une température de 12 ou 13 °C. L’intégralité des volumes d’eau est rendue à la nappe d’origine, sans avoir été affectée. La station d’échange a été construite à 10 mètres sous terre afin de préserver l’environnement et ne pas accaparer des mètres carrés, très coûteux dans la capitale.

La production d’électricité photovoltaïque 

La première condition de l’efficacité d’un écoquartier est la bonne isolation de ses bâtiments.

Une autre source de production d’énergie a été prévue : celle de 35 000 m2 de panneaux photovoltaïques placés sur les bâtiments du quartier. L’objectif est de produire 4 500 MWh par an, soit 1 000 fois la consommation moyenne d’un foyer français.

Le caractère d’écoquartier est complété par la place accordée aux espaces verts (le parc Martin Luther King occupe le centre de la zone avec 14 entrées et sorties) et l’adaptation de la voirie aux mobilités douces (vélos, trottinettes) et aux transports en commun. Un système original de collecte des déchets ménagers a été mis en place : ils sont déposés par les habitants dans des bornes au pied des immeubles et sont évacués automatiquement via un réseau pneumatique souterrain, ce qui évite les rotations de camions-poubelles.

Un suivi numérique des consommations

La gestion énergétique du nouveau quartier fait appel aux analyses numériques. Une plateforme, Smart-E, enregistre heure par heure les consommations d’énergie des bâtiments selon le type d’équipements : chauffage, éclairage, équipements de la cuisine, lavage du linge, utilisation de consoles et ordinateurs, télévision, etc… L’ensemble est modélisé à l’échelle du quartier. A partir de ce modèle, les habitants du quartier seront sensibilisés aux éco-gestes tandis que seront étudiés les moyens d’accorder au mieux la demande à la production thermique et électrique. 

C'est quoi un écoquartier ?
  1. Voir la brochure 2024 sur l’écoquartier
  2. Voir la visite virtuelle en 3D  
  3. Compagnie Parisienne de Chauffage Urbain. Elle gère le réseau de chaleur de l’agglomération parisienne, le 7e en Europe. Il répond aux besoins d’1 million et demi de Parisiens, avec un réseau de 510 km.  En 2017, le mix énergetique de CPCU se compose de plus de 50% d’énergies renouvelables et de récupération (essentiellement la valorisation des déchets ménagers, avec l’appoint de bois), de 30% de gaz et 16% de charbon. La géothermie représente encore moins d’1 % du mix.

 

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