Points de vue
Recyclage des panneaux solaires : 2 avis d’experts

Nicolas DefrenneDirecteur général de PV CYCLE France"Compte tenu du développement mondial considérable du solaire photovoltaïque, le recyclage des panneaux commence à devenir un enjeu majeur."
La collecte des panneaux usagés : le rôle d’un éco-organisme
Compte tenu du développement mondial considérable du solaire photovoltaïque, le recyclage des panneaux commence à devenir un enjeu majeur. Nicolas Defrenne, directeur général de PV CYCLE France, explique la place des éco-organismes dans le cycle de vie des équipements solaires.
Il est d’abord important de souligner qu’un « panneau photovoltaïqueUn panneau solaire photovoltaïque, ou module photovoltaïque, est un assemblage de cellules photovoltaïques reliées entre elles... usagé » est un panneau dont le détenteur veut se séparer, qu’il fonctionne ou pas. Les panneaux cristallins actuels ont un rendement minimum garanti sur 25 ou 30 ans, mais il est fréquent qu’un utilisateur veuille s’en séparer avant cette échéance. Soit parce qu’il a intérêt à s’équiper en panneaux plus performants, car les progrès technologiques sont extrêmement rapides, soit pour toute autre raison.
Je cite souvent le cas d’un aérodrome désaffecté, dont le sol pollué par du kérosène était devenu impropre à l’agriculture. La collectivité locale en charge a cédé cette friche industrielle à un développeur, avec un bail de 20 ans. Un parc photovoltaïque a été installé le temps que la terre en jachère se régénère. A l’expiration du bail, les panneaux seront recyclés. Parlons donc de durée d’usage, pas de durée de vie.
La filière photovoltaïque est en plein essor depuis le début du siècle. Nous voyons donc apparaître aujourd’hui la première génération des panneaux usagés. Les tonnages collectés ne vont pas cesser de croître. En 2018, nous avons collecté en France près de 3 400 tonnes, presque 10 fois plus qu’en 2015. Mais cette même année, 72 000 tonnes de nouveaux panneaux ont été installés. D’ici 2030, ce sont 150 000 tonnes qui devraient atteindre leur fin de vie utile. C’est l’équivalent du poids de 15 Tour Eiffel…
L’organisation de la collecte
Dans la plupart des pays européens, des éco-organismes, ont été institués pour collecter les déchets du secteur et gérer leur recyclage. En France, il s’agit de PV CYCLE France, dont la gouvernance est assurée par sept entités actives dans la filière photovoltaïque (sociétés, syndicats professionnels, associations).
La collecte, qui est sans frais pour le détenteur, est similaire à celle des autres DEEE (déchets d'équipements électriques et électroniques). Regardez votre téléphone portable : au dos il y a un pictogramme figurant une poubelle barrée. Les panneaux photovoltaïques ont le même. Ils doivent être apportés dans l’un des 200 points de collecte partenaires en France. Pour les volumes de plus de 40 panneaux, les détenteurs nous adressent une demande en ligne1 et des camions que nous affrétons viennent sur site récupérer le matériel.
Une fois collectés, ces équipements sont envoyés vers des opérateurs de traitement, que nous sélectionnons après appels d’offres. Notre premier appel d’offre a permis de sélectionner Véolia qui a développé la première unité au monde dédiée au recyclage des panneaux photovoltaïques avec une capacité de 3 000 tonnes par an. Nous prévoyons déjà qu’il faudra une seconde unité de traitement dès 2021. La valorisation des panneaux photovoltaïques est particulièrement haute, avec près de 95 % pour un module à base de siliciumLes cristaux de silicium sont issus de la silice, principal composant du sable et du quartz. Le silicium est un matériau semi-conducteur. avec un cadre en aluminium.
Comme pour tous les DEEE, le financement du recyclage est assuré par l’éco-participation qui est incluse de manière visible dans le prix de chaque équipement neuf vendu. Cela fonctionne un peu comme un système de retraite par répartition : l’éco-participation que vous payez ne finance pas le recyclage de l’équipement que vous venez d’acheter, mais celui d’un équipement qui vient d’arriver en fin d’usage. A nous de bien gérer le système sur la durée…
Des critères économiques et environnementaux
La protection de l’environnement et la bonne gestion de l’argent du consommateur sont au cœur de nos 4 critères décisionnels.
- Économique : c’est le consommateur qui paye, il faut donc une filière de recyclage dont les coûts sont maîtrisés.
- Technique : il faut que le recyclage soit optimal et dégage le maximum de matières valorisées (le verre, l’aluminium, les câbles, etc…), afin de favoriser une véritable économie circulaire.
- Environnemental : il ne faut pas que le recyclage soit impactant, c’est-à-dire se traduise par des norias de camions, une consommation excessive d’énergie dans l’usine de traitement. Il doit respecter les normes qualitatives les plus strictes.
- Social et solidaire : nous favorisons les prestataires qui ramènent des personnes éloignées de l’emploi vers le monde du travail.
Enfin, nous tâchons de favoriser l’écoconception. Cela consiste à intégrer l’impact environnementalL'impact environnemental désigne l'ensemble des modifications de l'environnement générées par les activités humaines... dès la conception d’un produit ou service, et lors de toutes les étapes de son cycle de vie.
Notre action se situe à la croisée de la transition énergétiqueLa transition énergétique désigne le passage du système actuel de production d'énergie... et de l’économie circulaire. Pour nous, l’un ne peut pas aller sans l’autre.
Nicolas Defrenne, 34 ans, est Directeur général de PV CYCLE France depuis 2015. Diplômé de Sciences Po, il a travaillé à France Stratégie et à la Mission économique de France à Hong Kong, avant de rejoindre Ernst and Young (EY). Il a ensuite fondé une start-up dans le secteur du recyclage.