Décryptages
Les 3 voies de la valorisation du CO2
Le principe de la valorisation du dioxyde de carbone (CO2) consiste à le considérer comme une matière première, que l’on capte à la sortie des fumées industrielles et que l’on exploite pour réaliser un certain nombre de produits ou d’opérations commercialement rentables. Il s’agit donc d’une voie différente de celle du simple stockage en sous-sol du CO2. On parle quelquefois du triptyque captage-stockage-valorisation.

Plusieurs méthodes de valorisation (récupération assistéeLa récupération assistée des hydrocarbures désigne toutes les méthodes permettant d'améliorer la production initiale par déplétion naturelle... des hydrocarburesLes hydrocarbures sont des composés chimiques dont les molécules sont constituées d'atomes de carbone et d'hydrogène... , synthèse de produits chimiques, culture de micro-algues pour produits à haute valeur ajoutée) ont déjà atteint un niveau industriel. Mais la quantité de CO2Dioxyde de carbone. Avec la vapeur d'eau, c’est le principal gaz à effet de serre (GES) de l'atmosphère terrestre... utilisée est encore très faible : environ 0,5 % des émissions mondiales, soit moins de 200 mégatonnes par an (Mt CO2 par an) sur un total des émissions mondiales de plus de 36 000 Mt CO2 par an en 2015.
0,5 % : la part des émissions mondiales de CO2 qui trouve aujourd’hui une utilisation commerciale dans l’industrie
De très nombreuses recherches sont engagées dans le monde et ouvriront, dans une période de 5 à 20 ans, de nouvelles perspectives pouvant conduire à terme à absorber de 5 % à 10 % des émissions, si les questions de coûts trouvent des solutions raisonnables.
La valorisation du CO2 se heurte à des difficultés de base :
- Collecter le dioxyde de carboneAvec la vapeur d'eau, c’est le principal gaz à effet de serre (GES) de l'atmosphère terrestre... est une opération difficile et encore coûteuse (voir le décryptage « Le captage du CO2 ») et elle n’est vraiment réalisable que sur les installations industrielles fortement émettrices. Le CO2 émis par les transports, l’agriculture ou l’habitat n’est pas concerné. La valorisation du CO2 n’est donc qu’un des leviers – et pas le plus important – parmi beaucoup d’autres (efficacité énergétiqueEn économie, l'efficacité énergétique désigne les efforts déployés pour réduire la consommation d'énergie d'un système... , économies d’énergie, développement des énergies renouvelablesOn appelle énergie renouvelable une source d'énergie dont le renouvellement naturel est immédiat ou très rapide... , stockage souterrain) qui peuvent permettre la maîtrise des émissions de CO2.
- Les unités industrielles qui utilisent le CO2 doivent être proches des sources qui l’émettent, sinon les coûts du transport deviendraient insupportables. La valorisation du CO2 entre donc dans une logique d’économie circulaire et de parcs éco-industriels où les émissions de CO2 d’une usine deviennent la matière première d’une autre.
- Le produit fabriqué grâce au CO2 doit disposer de marchés commerciaux déjà existants, soit de masse (comme celui des produits énergétiques), qui sont généralement de faible valeur, soit de niche (comme dans la chimie fine), qui ont une forte valeur ajoutée mais présentent des tonnages faibles.
- Le bilan carbone du processus réalisé avec le recours au dioxyde de carbone doit être meilleur que celui du processus traditionnel, c’est-à-dire avoir des émissions plus faibles une fois pris en compte tout le cycle de l’opération. Sinon on n’aura fait que « déplacer » le CO2 avant son retour final dans l’atmosphère. En outre, il faut considérer la durée de vie des produits avant leur destruction, si on ambitionne d’utiliser cette transformation pour stocker du carbone.
Environ 50 mégatonnes de CO2 par an sont réinjectées dans les puits de pétrole pour mieux récupérer celui-ci.
Trois grands groupes de valorisation ont été identifiés :
- La valorisation sans transformation, où le CO2 est utilisé pour ses propriétés physiques. C’est le cas dans la récupération assistée des hydrocarbures, où le gaz est réinjecté dans les puitsDésigne la cavité cylindrique creusée dans le sous-sol par un forage... de pétrolePétrole non raffiné. et « chasse » celui-ci, permettant d’épuiser le gisementUn gisement est une accumulation de matière première (pétrole, gaz, charbon, uranium, minerai métallique, substance utile…)... . Environ 50 Mt CO2 par an sont utilisées dans ces opérations (Voir le décryptage « Les projets de captage-stockage dans le monde »). D’autre part, des utilisations industrielles sont déjà en cours : les bulles des boissons gazéifiées, la neige carbonique des extincteurs, les liquides réfrigérants. Le CO2 est utilisé également dans l’industrie pharmaceutique ou le traitement des eaux. Sous sa forme « supercritique » (entre liquide et gaz), le CO2 permet de produire des solvants. Quelque 20 Mt CO2 par an sont utilisées dans tous ces secteurs.
- La valorisation chimique, par réaction avec un autre composant. Le CO2 est aujourd’hui essentiellement présent (quelque 100 Mt CO2 par an) dans la production d’uréeL'urée ou carbamide est un composé organique de formule (NH2) 2-C=O... , une substance très utilisée en agriculture comme engrais azoté. Le CO2 permet aussi de produire de l’acide salicylique, un médicament dont dérive l’aspirine. Il entre aussi dans le processus de fabrication des polycarbonates, une matière plastique très performante (verres optiques, CD et DVD, lentilles…), et des polyméthanes (mousses, caoutchoucs…). Des recherches sont avancées en matière de minéralisation et carbonation, notamment pour durcir le béton. Mais surtout, les chercheurs mettent beaucoup d’espoir dans la production de produits à valeur énergétique, c’est-à-dire du méthanolLe méthanol ou alcool méthylique est le plus simple des alcools, de formule CH3-OH... , de l’acide formique et en bout de chaîne des carburantsUn carburant est un combustible liquide (comme l'essence), gazeux (comme le GPLc) ou solide (comme un propergol)... , grâce à un large éventail de procédés (hydrogénation, reformage, électrolyse, photo-électro-catalyse, thermochimie). Les volumes seraient potentiellement très importants mais les processus exigent de l’hydrogèneL'hydrogène est l'atome le plus simple et le plus léger. C'est l'élément de très loin le plus abondant de l’univers. , qui devrait alors être produit sans émissions de CO2 (ce qui est très coûteux). C’est le même problème dans la « méthanation » : le CO2 peut être combiné à l’hydrogène pour créer du méthane, c’est-à-dire du gaz naturel. Mais il faudrait que le prix de la tonne de CO2 s’envole, pour que ce procédé devienne économiquement rentable.
- La valorisation biologique, par photosynthèseLa photosynthèse est le processus par lequel les plantes (sous l'action de la lumière du soleil) transforment le CO2 et l'eau en matière végétale... au sein d'organismes biologiques, comme les micro-algues dont la croissance nécessite d'importantes quantités de CO2. La culture de micro-algues est aujourd’hui à un stade commercial, avec de petites productions à haute valeur ajoutée, comme les pigments et les oméga 3. Des perspectives se dessinent dans l’alimentation animale et la chimie de spécialités, et, dans une dizaine d’années au moins, dans la production de biocarburantsUn biocarburant est un carburant produit à partir de matières végétales ou animales... . Dans ce dernier secteur, qui intéresse notamment l’aviation, le coût est l’obstacle majeur au développement.