La transition énergétique française

Publié le 06.08.2018
Lycée
Sciences de la vie et de la terre

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La France a engagé en 2015 une nouvelle destinée à promouvoir une « croissance verte », à réduire davantage les émissions de gaz à  et à renforcer l’ du pays. Elle devrait aboutir notamment à une diminution de la place de l’énergie nucléaire, un développement des énergies renouvelables (ENR) et un accroissement de l’ .

Une image de manifestation nocturne organisée par Greenpeace devant la centrale nucléaire de Fessenheim, en Alsace.

La réduction de la part du nucléaire

L’une des caractéristiques de la nouvelle , infléchissant une politique de plus de 40 ans, est de vouloir ramener la part du nucléaire de 75 à 50 % dans le  . La question de la dangerosité du nucléaire n’a pas été explicitement avancée, comme ce fut le cas en Allemagne après l’accident survenu à Fukushima. La loi d’août 2015 qui cadre cette transition1 mentionne simplement la nécessité de « diversifier de manière équilibrée les sources de production » et de réduire les « risques industriels majeurs »2.

La loi fixe une date butoir - 2025 - pour atteindre ce plafond de 50 %. Mais le gouvernement français l’a repoussée au-delà de 2030, l’année exacte devant être précisée plus tard. Le ministre en charge de l’énergie, l’écologiste Nicolas Hulot, a lui-même reconnu que l’objectif « nucléaire » de 2025 n’aurait pu être atteint qu’en abandonnant l’objectif « climatique » de réduire de 40 % les émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030.

Selon les scénarios de RTE3 (Réseau de transport de l’électricité), l’opérateur en charge des grands équilibres électriques, l’hypothèse 2025 imposerait de fermer 24 réacteurs (sur les 58 du parc français). Même poussé au maximum, le développement de l'éolien et du solaire ne suffirait pas pour compenser le déficit et le nombre de centrales à gaz devrait être doublé. Les émissions de CO2du secteur électrique seraient deux fois supérieures. C‘est le dilemme actuel de la transition du système énergétique en France. 

L’hésitation sur la date illustre la complexité des prévisions en matière énergétique. RTE a élaboré pas moins de 50 000 simulations qui dépendent de multiples facteurs :  l’évolution de la consommation et de la production « verte », mais aussi la croissance du PIB, le prix de la tonne de CO2, le développement de la voiture électrique, le taux d’autoconsommation des producteurs délocalisés d’électricité solaire, et bien sûr le nombre de centrales fermées. Pour l’instant, seule la fermeture de la centrale de Fessenheim, en Alsace, a été programmée pour fin 2018 afin de coïncider avec l’ouverture du nouveau réacteur EPR de Flamanville, dans le Cotentin.

32 % :
l’objectif visé pour la part des énergies renouvelables dans la consommation finale d’énergie d’ici 2030.

Une croissance encore insuffisante des ENR

La France occupe une position contrastée dans l’Europe des énergies renouvelables. Elle est certes dans le trio de tête si l’on considère la part des ENR dans le  primaire de chaque pays :  l’Allemagne est en tête (19 % en 2015), devant l’Italie (plus de 11 % grâce au solaire et à la  ) et la France (autour de 10 %)4. La France doit sa place à l’utilisation du bois-énergie, appuyée sur un fort potentiel forestier, et à l’hydraulique, grâce à ses nombreux barrages de montagnes. Mais elle est loin d’être championne dans les deux énergies renouvelables au développement plus récent : elle est en 4ème position dans l’Europe des 28 pour l’éolien et en 5ème position pour le solaire, loin derrière l’Allemagne qui est leader dans les deux domaines.

Si l’on considère l’évolution, la France n’est pas sur une tendance qui lui permette d‘atteindre ses objectifs. Elle s’est fixé le niveau de 23 % d’ENR dans la consommation finale d’énergie à l’horizon 2020 mais elle est sur un rythme qui devrait la conduire à seulement 19 %.

Selon le syndicat des entreprises du secteur des renouvelables (SER), les efforts à réaliser concernent tout particulièrement l'éolien, aussi bien terrestre qu’ .  La France n’a pas encore d’éoliennes en mer alors que six autres pays européens en ont déjà installé plus de 4 000 ! Le Royaume-Uni (plus de 1 700 éoliennes), l’Allemagne (plus de 1 100 éoliennes) mènent le peloton devant le Danemark, les Pays-Bas, la Belgique et la Suède. Plusieurs appels d’offres ont été lancés en France mais la mise en production de ces parcs d’éoliennes n’interviendra pas avant 2020 en raison de lenteurs administratives ; par ailleurs, la France poursuit le développement de la technologie et dispose d'une éolienne flottante prototype au large du Croisic. Un autre effort, selon le SER, devrait porter sur la valorisation thermique des déchets urbains renouvelables, en particulier dans les réseaux de  , les chaufferies collectives, ainsi que dans les secteurs tertiaire et industriel.

La réduction de la part du nucléaire français dans le mix énergétique prendra plus de temps que prévu, au moins cinq ans de plus.

Les secteurs d’usage prioritaires

La France s’est fixé un objectif de 20 % de réduction de la consommation énergétique finale d’ici 2020 (50 % d’ici 2050). C’est évidemment dans les secteurs les plus consommateurs, à savoir l’habitat (45 %) et les transports (33 %) que les efforts doivent porter5.

Dans l’habitat, l’enjeu est surtout de rénover les quelques 7,4 millions de logements privés très « énergivores », dont un tiers sont occupés par des ménages modestes. C’est donc la révision des mécanismes financiers d’aide qui est l’objet des plans gouvernementaux, notamment un « Pacte Energie Solidarité » qui permet des travaux d'isolation prioritaires d’un coût symbolique de « un euro », où les fournisseurs d’énergie sont appelés à contribuer.

Dans le transport, en l’absence de prévisions possibles sur l’essor de la mobilité électrique, le levier reste l’effort à long terme sur les normes européennes d’émissions de COde plus en plus strictes au fil des années et qui incitent au développement de véhicules moins consommateurs de carburants ; cela implique notamment de proposer des véhicules plus légers, disposant de moteurs de plus petites cylindrées, ainsi que des véhicules hybrides.

Les objectifs de la transition énergétique française 


- Réduire les émissions de gaz à de 40 % entre 1990 et 2030 et diviser par quatre les émissions de gaz à effet de serre entre 1990 et 2050.

- Réduire la consommation énergétique finale de 50 % en 2050 par rapport à 2012, en visant un objectif intermédiaire de 20 % en 2030.

- Diminuer de 30 % la consommation primaire d’énergies fossiles en 2030 par rapport à 2012.

- Porter la part des énergies renouvelables à 23 % de la consommation finale brute d'énergie en 2020 et à 32 % de cette consommation en 2030. Ces objectifs sont supérieurs à ceux de l’Allemagne (18 % en 2020 – 30 % en 2030). La forte présence de l’électricité dans le chauffage de l’habitat rend la conversion aux ENR plus facile qu’en Allemagne où le chauffage dépend encore largement des hydrocarbures. De même, les objectifs de mobilité électrique sont plus ambitieux en France qu’en Allemagne.

- Réduire la part du nucléaire dans la production d'électricité à 50 % (horizon à préciser).

- Diminuer de 50 % le volume de déchets mis en décharge à l’horizon 2050.

- Atteindre une valeur de la tonne carbone de 56 euros en 2020 et de 100 euros en 2023.

- Multiplier par cinq la quantité de chaleur et de froid renouvelables livrée par les réseaux de chaleur et de froid à l’horizon 2030.

 

Sources :

  1. Le texte de la loi
  2. Les enjeux de la gestion à très long terme des déchets nucléaires sont cependant bien identifiés dans une autre loi datée de 2006, appelée Loi Bataille. 
  3. Prévisions RTE
  4. Statistiques sur les énergies renouvelables, eurostat, janvier 2018
  5. La « stratégie nationale bas carbone », Ministère de la transition écologique et solidaire

 

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