Stocker l’électricité : clé de la maîtrise de l’énergie
Lecture 10 min
Stocker l’ est la seule solution pour équilibrer la demande mondiale, croissante, et une production qui s’appuie de plus en plus sur des énergies intermittentes, comme le soleil et le vent. En dehors des stations de transfert d’énergie par (STEP), le stockage est encore coûteux, certaines technologies encore peu efficaces et dépendant parfois de métaux rares. Mais ce Graal de l’énergie de demain aiguise les espoirs des chercheurs du monde entier et des innovations prometteuses se multiplient.
© EDF / HURET CHRISTOPHE - Vue aérienne de la centrale de Grand Maison, dans les Alpes françaises, avec sa station de transfert d'énergie par pompage (STEP), moyen de stockage électrique.
La production d’électricité ne coïncide pas toujours avec les besoins au même instant. Les centrales d’énergie produisent nuit et jour la même quantité d’électricité, alors que la demande atteint un pic le matin et le soir, quand les gens sont chez eux, ainsi qu’en hiver et en été, à cause du chauffage et de l’air conditionné. Et il est aujourd’hui impossible de redémarrer en urgence une centrale à charbon ou nucléaire !
Ce problème du stockage de l’électricité s’est encore aggravé avec l’utilisation des éoliennes et des centrales solaires, dont la production varie en fonction de la météo. Il devient donc crucial de stocker les excédents de production pour les réinjecter dans le réseau en cas de besoin. Sinon, la fourniture d’électricité peut être coupée.
L’électricité n’est qu’un déplacement d’électrons. Il est impossible de la stocker comme du pétrole ou de l’eau : il faut la convertir temporairement en une autre forme d’énergie. Diverses technologies imparfaites sont en concurrence, mais de nouvelles pistes émergent.
Les différents systèmes de stockage
La technique la plus répandue repose sur des bassins artificiels installés en montagne (STEP) qui permettent un stockage à grande échelle : l’électricité sert à pomper l’eau d’un réservoir situé en contrebas vers un lac en hauteur, puis l’eau qui chute est utilisée pour produire de l’électricité. Les STEP installées dans le monde représentent une capacité totale de 140 GW et leur pourrait être multipliée de 4 à 15 fois d’ici à 20401. L’une des plus grosses installations est Bath County, en Virginie (États-Unis), avec une capacité supérieure à 3 000 MW. Il y a une demi-douzaine de haut gabarit en France, la plus importante étant située à Grand’Maison en Isère (1 790 MW), les autres s’étageant entre 300 et 900 MW.
Autre système de grande échelle, stocker l’électricité en comprimant un gaz qui, décompressé, restituera de l’énergie (CAES, de l’anglais Compressed Air Energy Storage). Aux États-Unis et en Allemagne, de grandes cavernes ou d’anciennes mines sont utilisées pour stocker de l'air comprimé, et de nombreux autres projets sont en construction dans le monde, où les CAES représentent déjà 400 MW. Les STEP et le stockage de gaz comprimé sont les technologies les moins coûteuses (50 à 150 euros par kWh) et représentent 87 % des capacités mondiales de stockage d’électricité. Mais ils restent très insuffisants et ne peuvent être construits partout.
Les piles et batteries constituent une autre technique universelle, aussi bien pour alimenter les petits appareils que des voitures électriques, une maison, un quartier ou une ville, permettant des systèmes de stockage décentralisés et mobiles. Ce processus électrochimique coûte entre 500 et 1 200 euros par kWh selon les batteries (sodium-soufre, lithium-ion). Il s’agit du coût actuel, qui baisse rapidement au fur et à mesure du progrès technologique et des économies d’échelles liées à la croissance de la production.
Une autre technologie commence à s’étendre. Il s’agit de l’utilisation de l’électricité pour produire de l’ ou du , pouvant être stockés, qui ensuite en brûlant ou en étant utilisé dans une pile à restituent de l’énergie. Ces techniques de « power to gas » restent assez coûteuses, proches de 500 euros par kWh. Des piles à combustible ou des batteries peuvent être utilisées pour un stockage local de l’énergie sur le lieu de sa production, y compris par les particuliers, qui disposent de moyens de production dans leurs bâtiments à énergie positive. Ce marché du stockage résidentiel progresse rapidement en Allemagne et au Japon.
Pour un stockage très ponctuel, on peut utiliser des « volants d’inertie », qui stockent de l’électricité sous forme d’énergie cinétique. Il est aussi possible d’utiliser des condensateurs ou encore des systèmes de stockage qui convertissent l’électricité en énergie magnétique. C’est un processus très onéreux (plus de 10 000 euros par kWh).
Marché exponentiel, myriades d’innovations
Le marché du stockage est en pleine expansion. L’agence internationale de l’énergie renouvelable Irena, (International renewable energy agency) a estimé qu’avec un taux de pénétration de 45 % d' à l'horizon 2030, les besoins en stockage d'électricité au niveau mondial seraient de 150 GW de stockage par batteries et 325 GW de stockage par STEP.
Les montants des investissements mondiaux dans le stockage devraient atteindre 277 milliards d’euros entre 2010 et 2030. Régulièrement des entreprises ou des chercheurs américains, japonais ou européens annoncent des batteries plus rapides à charger ou plus puissantes. Les projets pilotes utilisant l’hydrogène se multiplient. Parmi les plus innovants, la jeune société française McPhy Energy conçoit des systèmes de stockage où l’hydrogène est adsorbé sur des supports solides.
Le secteur du stockage, tout comme celui des énergies renouvelables ou de l’électronique, souffre cependant d’un lourd handicap : il a recours aux terres rares, 17 minéraux aux propriétés exceptionnelles mais dont la production est très limitée et concentrée dans certains pays.
Ainsi les batteries au lithium-ion, adoptées par la plupart des constructeurs d’appareils électroniques et de voitures électriques, dont le marché devrait décupler d’ici 2020, nécessitent du lithium, dont les réserves se trouvent surtout en Amérique du Sud (Bolivie, notamment dans le Salar d'Uyuni sur les hauts plateaux boliviens, Chili, Argentine), Chine et États-Unis. La disponibilité de métal est ainsi essentielle et de nombreux laboratoires travaillent sur le recyclage du lithium, notamment en France.
D’autres métaux rares sont essentiels à la fabrication des aimants permanents qui font tourner les voitures électriques et les éoliennes, comme le néodyme, le dysprosium, le praséodyme, le lanthane ou le terbium. Une voiture électrique contient 12 à 25 kilos de terres rares.
Or la production des terres rares est concentrée à 97 % en Chine, qui dispose ainsi d’une puissante arme économique. Mais le danger majeur est celui d’un épuisement de ces éléments, en tout cas à un coût d’exploitation économiquement acceptable, dans les 15 ans. La meilleure option est donc de recycler ces terres rares et des techniques en sont déjà au stade industriel.