Les routes potentielles de l’Arctique

Actualisé le 14.11.2025

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Lycée
Histoire, géographie et géopolitique

La régression l’été de la banquise arctique, liée au , rend progressivement praticables deux routes maritimes à travers l’océan Arctique, reliant les océans Atlantique et Pacifique. Ces passages, accessibles pendant quelques semaines en été, suscitent un intérêt croissant en raison de leurs implications géopolitiques et économiques.

Les routes potentielles de l’Arctique
85 km :
La largeur du détroit de Béring, qui sépare les territoires américain (Alaska) et russe

Les deux routes Nord-Ouest et Nord-Est

La réduction de l’étendue de la banquise arctique en été a des conséquences multiples. Parmi celles-ci figurent : la contribution à l’élévation du niveau moyen des mers, la libération potentielle de méthane (un gaz à effet de serre à fort pouvoir de réchauffement global) piégé dans le , la modification des courants marins, et enfin des impacts sur la marine ainsi que sur les écosystèmes associés. Mais cette régression saisonnière de la banquise a aussi des effets géopolitiques et économiques : elle rend progressivement accessibles de nouvelles routes maritimes dans l’océan Arctique qui pourraient s’ajouter aux corridors traditionnels du cap de Bonne-Espérance, du canal de Suez, du détroit de Malacca ou du canal de Panama. 

Ces deux voies sont situées à l’est et à l’ouest du pôle Nord :

  • Le passage du Nord-Ouest : long de 1 500 km, contourne les îles arctiques du grand Nord canadien, longe l’Etat américain de l’Alaska, et débouche dans le Pacifique par le détroit de Béring. Large de 85 km, celui-ci sépare les territoires américain et russe. La voie du Nord-Ouest, qui reste parfois bloquée par les glaces tout au long de l’année, a encore été très peu utilisée et quelques rares navires marchands l’ont empruntée depuis 1969.
  • Le passage du Nord-Est : part de la mer de Barents, traverse l’archipel russe glacé dit de « la Terre du Nord », longe la côte de Sibérie orientale et rejoint le Pacifique par le même détroit de Béring. Depuis 2010, le trafic maritime a beaucoup progressé avec un record en 2023 de 35 millions de tonnes transportées (à comparer par exemple au 1,6 milliard de tonnes passé la même année par le canal de Suez).

Ces deux passages présentent de nombreuses difficultés. Outre le problème des glaces qui peuvent immobiliser des bateaux pendant des mois, ils comportent des détroits n’offrant qu’une faible profondeur, d’une dizaine de mètres et quelquefois moins.

La longue histoire de la conquête de l’Arctique 

Dès le Xe siècle, les Vikings établis au Groenland commencent à circuler dans l’archipel arctique canadien. Mais il faut attendre les grandes explorations européennes du XVIe siècle pour connaître les premières tentatives de trouver des passages vers la Chine et les Indes. En 1575, Martin Frobischer s’aventure dans la mer de Baffin à l’Ouest. Mais il faut attendre 1879 pour que s’ouvre côté russe le passage du nord-est, plus facile, et 1906 pour que Roald Amundsen inaugure la route du nord-ouest, côté canadien. 

L’exploration de l’Arctique comporte ses drames. L’expédition Franklin, avec deux navires l'Erebus et le Terror, part en 1845 vers la baie de Baffin. Les navires étant pris dans les glaces, les 135 hommes d’équipage partent à pied et meurent d'hypothermie, de scorbut et de faim. Les épaves de l’Erebus et du Terror sont retrouvées respectivement en 2014 et 2016 !

Le saviez-vous ?
Les routes arctiques relient l’Atlantique au Pacifique, l’Europe à l’Asie.

Opportunités et limites des routes arctiques

La fonte estivale de la banquise, liée au , rend ces routes plus accessibles. Certains y voient des opportunités logistiques : des trajets plus courts pourraient réduire la durée et la consommation de pour certains itinéraires entre l’Europe et l’Asie. Toutefois, ces avantages restent saisonniers et s’accompagnent de risques environnementaux et géopolitiques majeurs.

Le Conseil de l’Arctique souligne que l’augmentation du trafic maritime peut entraîner des perturbations pour les écosystèmes et les populations locales, ainsi que des risques accrus de pollution, notamment liés aux carburants comme le . Ce paradoxe – un phénomène climatique préoccupant créant des effets qui semblent favorables à court terme – soulève des questions sur les compromis entre économie et climat.

Les contraintes géopolitiques

L’ouverture de ces routes ne se limite pas à des enjeux économiques : elle ravive des tensions géopolitiques notamment entre les Etats-Unis, la Russie et la Chine. La Russie cherche à contrôler le trafic civil et militaire grâce à ses installations portuaires et aux règles de navigation qu’elle édicte, la Chine accroît sa présence commerciale, tandis que les États-Unis ont exprimé des revendications territoriales sur le Groenland. Ces rivalités s’inscrivent dans un cadre juridique international – la - mais illustrent la complexité de la gouvernance arctique. Le Conseil de l’Arctique insiste sur la nécessité de coopération pour éviter que ces routes ne deviennent des zones de confrontation.

Les contraintes climatiques et techniques

Même en été, ces routes restent difficiles : glaces dérivantes, brouillard, cartes marines imprécises, infrastructures limitées. Les navires doivent être conçus pour la navigation en milieu glacé et respecter les normes strictes du «   » de l’Organisation maritime internationale (OMI). Les coûts liés aux brise-glaces, aux assurances et aux secours en cas d’accident sont très élevés, ce qui limite leur usage à des opérations spécialisées. Le Conseil de l’Arctique rappelle que la saison navigable reste courte et que les risques environnementaux (pollution, accidents) sont amplifiés par l’isolement et la fragilité des écosystèmes.

 

Aller plus loin

Les cartes de l’Arctique - Géoconfluences

Arctic Council

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