Les routes potentielles de l’Arctique

Actualisé le 07.08.2025

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Lycée
Histoire, géographie et géopolitique

La régression l’été de la banquise arctique, liée au , rend progressivement praticables deux routes maritimes à travers l’océan Arctique, reliant les océans Atlantique et Pacifique. Ces passages, accessibles pendant quelques semaines en été, suscitent un intérêt croissant en raison de leurs implications géopolitiques et économiques.

Les routes potentielles de l’Arctique
85 km :
La largeur du détroit de Béring, qui sépare les territoires américain (Alaska) et russe

Les deux routes Nord-Ouest et Nord-Est

La réduction de l’étendue de la banquise arctique en été a des conséquences multiples. Parmi celles-ci figurent : la contribution à l’élévation du niveau moyen des mers, la libération potentielle de méthane (un gaz à effet de serre à fort pouvoir de réchauffement global) piégé dans le , la modification des courants marins, et enfin des impacts sur la marine ainsi que sur les écosystèmes associés. Mais cette régression saisonnière de la banquise a aussi des effets géopolitiques et économiques : elle rend progressivement accessibles de nouvelles routes maritimes dans l’océan Arctique qui pourraient s’ajouter aux corridors traditionnels du cap de Bonne-Espérance, du canal de Suez, du détroit de Malacca ou du canal de Panama. 

Ces deux voies sont situées à l’est et à l’ouest du pôle Nord :

  • Le passage du Nord-Ouest : long de 1 500 km, contourne les îles arctiques du grand Nord canadien, longe l’Etat américain de l’Alaska, et débouche dans le Pacifique par le détroit de Béring. Large de 85 km, celui-ci sépare les territoires américain et russe. La voie du Nord-Ouest, qui reste parfois bloquée par les glaces tout au long de l’année, a encore été très peu utilisée et quelques rares navires marchands l’ont empruntée depuis 1969.
  • Le passage du Nord-Est : part de la mer de Barents, traverse l’archipel russe glacé dit de « la Terre du Nord », longe la côte de Sibérie orientale et rejoint le Pacifique par le même détroit de Béring. Depuis 2010, le trafic maritime a beaucoup progressé avec un record en 2023 de 35 millions de tonnes transportées (à comparer par exemple au 1,6 milliard de tonnes passé la même année par le canal de Suez).

Ces deux passages présentent de nombreuses difficultés. Outre le problème des glaces qui peuvent immobiliser des bateaux pendant des mois, ils comportent des détroits n’offrant qu’une faible profondeur, d’une dizaine de mètres et quelquefois moins.

La longue histoire de la conquête de l’Arctique 

Dès le Xe siècle, les Vikings établis au Groenland commencent à circuler dans l’archipel arctique canadien. Mais il faut attendre les grandes explorations européennes du XVIe siècle pour connaître les premières tentatives de trouver des passages vers la Chine et les Indes. En 1575, Martin Frobischer s’aventure dans la mer de Baffin à l’Ouest. Mais il faut attendre 1879 pour que s’ouvre côté russe le passage du nord-est, plus facile, et 1906 pour que Roald Amundsen inaugure la route du nord-ouest, côté canadien. 

L’exploration de l’Arctique comporte ses drames. L’expédition Franklin, avec deux navires l'Erebus et le Terror, part en 1845 vers la baie de Baffin. Les navires étant pris dans les glaces, les 135 hommes d’équipage partent à pied et meurent d'hypothermie, de scorbut et de faim. Les épaves de l’Erebus et du Terror sont retrouvées respectivement en 2014 et 2016 !

Le saviez-vous ?
Les routes arctiques relient l’Atlantique au Pacifique, l’Europe à l’Asie.

Les avantages des routes arctiques

Ces « raccourcis » permettent de réduire les trajets entre les deux océans de plusieurs milliers de kilomètres, permettant ainsi de grandes économies de temps et de mobilisation des navires. Pour un voyage de Rotterdam à Shanghaï, par exemple, passer par le pôle Nord permet de gagner 3 200 km et 4 jours par rapport au trajet classique via le canal de Suez et le détroit de Malacca. La zone arctique et subarctique russe, très riche en pétrole et en gaz, pourrait être desservie encore plus efficacement : acheminer directement vers l’Asie le pétrole et le gaz des grands champs de Shtokman, Yamal et Varandey permettrait de gagner 8 à 10 000 km et 14 jours. Outre le gain de temps, les nouvelles routes signifieraient des réductions sur la consommation de fioul et sur les émissions de CO2 liées à celle-ci.

Les contraintes géopolitiques

L’exacerbation en 2025 des tensions géopolitiques notamment entre les Etats-Unis, la Russie et la Chine, a remis le projecteur sur les routes de l’Arctique et accru les incertitudes sur l’avenir.

 Le président américain Donald Trump a émis des revendications territoriales sur le Groenland, la Chine a beaucoup accru sa présence commerciale, la Russie cherche à contrôler le trafic civil et militaire grâce à ses installations portuaires et aux règles de navigation qu’elle édicte.

 

Les contraintes climatiques et techniques

Le passage du Nord-Ouest, qui peut être bloqué certaines années, ne dispose pas d’infrastructures portuaires. Le Canada a envisagé de créer un port en eau profonde à Nanisivik, mais on n’en connaît pas encore l’ampleur réelle. Le passage du Nord-Est est plus facile, mais même pendant les « fenêtres » météorologiques de l’été, le passage d’icebergs nécessite la présence de brise-glaces russes. Le brouillard est fréquent, les conditions climatiques souvent rudes, les cartes marines imprécises. Les navires doivent en outre être conçus pour la navigation en milieu glacé et répondre à des normes de l’administration russe.

Enfin, les conditions d’intervention des secours en cas d’accidents ou de pollutions n’ont rien à voir avec celles en usage habituellement. Les assureurs seront alors conduits à imposer des primes très coûteuses.

Les études se poursuivent, notamment au Nord-Est, pour la recherche de divers itinéraires évitant les détroits les moins profonds et pour la mise en place d’infrastructures et de logistiques permettant de lever les contraintes. Des chantiers navals, notamment norvégiens, ont commencé la construction de bateaux à coque renforcée pour ces régions.

 

Aller plus loin

Les cartes de l’Arctique - Géoconfluences

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