Points de vue
La géothermie en France

Michèle CynaPrésidente de la Commission « Géothermie » du Syndicat des énergies renouvelables (SER)"Les systèmes géothermiques présentent des perspectives intéressantes : rendements remarquables, coûts de fonctionnement très faibles, réglementations de plus en plus allégées (...)"
Produire du chaud, du froid et du « frais » grâce à la géothermie
Les systèmes géothermiques dans l‘habitat, pour la production de chaud, de froid et de « frais », présentent des perspectives intéressantes : des rendements remarquables, des coûts de fonctionnement très faibles, des réglementations de plus en plus allégées. S’ils séduisent dans l’urbanisme de bureaux, ils peinent à convaincre les propriétaires de maisons individuelles. Michèle Cyna, Présidente de la Commission « GéothermieLe terme géothermie désigne à la fois la science qui étudie les phénomènes thermiques internes au globe terrestre... » du Syndicat des énergies renouvelablesOn appelle énergie renouvelable une source d'énergie dont le renouvellement naturel est immédiat ou très rapide... (SER), explique les évolutions du secteur.
Faire du chaud, du froid et – nous le verrons- du frais à partir de l’énergie du sous-sol, grâce à la géothermie, est une méthode qui mérite sans aucun doute d’être développée. Intéressons-nous ici à la géothermie « très basse énergie », qui fait appel aux pompes à chaleurAujourd'hui, en thermodynamique statistique, la chaleur désigne un transfert d'agitation thermique des particules composant la matière... , en dehors donc de celle qui assure de la chaleur à haute température ou permet de produire de l’électricité. Elle représente les trois quarts de l’énergie géothermique produite en France et sa réglementation a été assouplie depuis 20141. Il est aujourd’hui possible de mettre en place, sans complexité administrative excessive, des équipements entre 10 et 200 mètres de profondeur sur quelque 98 % du territoire français. Ils peuvent desservir aussi bien des maisons individuelles que des grandes tours de bureaux ou des îlots de quartier.
Deux méthodes principales de géothermie
La première est de remonter l’eau d’une nappe phréatique. On les rencontre dès 10 mètres de fond, car une nappe n’est pas un « lac » souterrain, mais une eau qui circule, quelquefois en petites quantités, dans des réseaux de faille. Cette eau échange sa chaleur, via un échangeur en forme de serpentin, avec le circuit de l’immeuble ou de la maison considérée.
La seconde méthode, en l’absence de nappe, est d’introduire dans le sous-sol une sonde, c’est-à-dire une boucle qui contient un liquide caloriporteur lequel va lui aussi transmettre ses calories, via un échangeur, au circuit en surface.
L’essor du « geocooling »
Reliée au circuit, la pompe à chaleur permet de produire du chaud en hiver ou du froid en été, via un climatiseur. Mais la géothermie très basse énergie peut aussi assurer du « frais ». Cette idée nouvelle de « geocooling » est particulièrement intéressante dans les latitudes plutôt tempérées de la France.
L’eau ou le fluide caloriporteur est généralement entre 15 et 20 °C pendant toute l’année. En été, ce liquide, sans même passer par la pompe à chaleur, va porter l’eau du réseau du bâtiment à cette même température. Elle n’assurera pas une « climatisation » mais elle va garantir, sous nos climats, environ 5° C de moins que la température extérieure. Par exemple, s’il fait 30 °C dehors, il fera 25 °C dans les bureaux. Cela suffit pour donner une impression de fraicheur et de confort. Bien sûr, si la température s’envole durablement à 35 °C, il faudra, peut-être, aller vers de la « clim » plus puissante.
Le geocooling – donc le frais plutôt que le froid – a un coefficient de performance extraordinaire, autour de 60. Ce coefficient est le rapport entre l’énergie électrique qui fait fonctionner les pompes et l’énergie produite par le système. Pour avoir les mêmes 5 °C de moins, il aurait fallu mobiliser, par une climatisation, 60 fois plus d’électricité.
Une autre application tout à fait remarquable est ce qu’on appelle la « boucle tempérée ». Au lieu d’apporter l’eau à température constante à 15-20 °C à un seul bâtiment, on la fait circuler sur une boucle qui dessert tout un quartier. Des pompes à chaleur décentralisées vont s’y greffer et faire du chaud et du froid pour tout un groupe de bâtiments. C’est le cas au nouveau siège d’Airbus à Toulouse. Les retours d’expérience après plus de deux ans sont très positifs. Les climatisations de secours prévues en cas de canicules n’ont jamais servi…
L’utilisation de la géothermie très basse énergie se développe de façon régulière dans l’urbanisme de bureaux, notamment en Île-de-France, comme dans le cas du grand centre commercial d’Aéroville, près de l’aéroport Roissy-Charles de Gaulle. Outre l’efficacité reconnue, les promoteurs y trouvent une occasion d’obtenir les labels environnementaux. En revanche, dans les maisons individuelles, le marché est très déprimé. Le forageUn forage consiste à creuser un trou dans le sous-sol grâce à une machine adaptée... à 10 ou 20 mètres et le risque d’échec dans la recherche d’une nappe effrayent souvent les propriétaires. La baisse du prix des énergies fossiles, l’amélioration de l’isolation des maisons n’incitent pas non plus à chercher des énergies moins chères. C’est dommage ! Car ces installations, plus coûteuses en investissements, sont imbattables en frais de fonctionnement…
Diplômée de l' École Polytechnique, de l' École nationale des Ponts et Chaussées et du MIT à Boston, Michèle Cyna a été directrice déléguée à l'international pour Veolia Transport. Elle est aujourd’hui Directrice générale de BURGEAP, un bureau d’études en environnement spécialisé sur les questions de l’eau, de la pollution des sols et de l’air, de l’énergie, de la santé, de l’environnement industriel, de la déconstruction et du nucléaire. Elle est Présidente de la Commission « Géothermie » du Syndicat des énergies renouvelables (SER).
(1) La réglementation relative à la « géothermie de minime importance » permet d’engager des projets sur simple déclaration ou avec des demandes d’autorisation simplifiées.