Précarité énergétique difficile à analyser

Publié le 18.05.2015
Collège
Sciences économiques et sociales

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La désigne la situation des ménages pour qui la charge financière des dépenses d’énergie liées à leur habitat, voire à leur mobilité, devient insupportable par rapport à leurs revenus. Elle concerne les pays industrialisés et ne doit pas être confondue avec l’accès à l’énergie dans les pays pauvres qui pose des problèmes de nature différente.

Comment définir la précarité énergétique ?

Selon une définition venue de Grande-Bretagne et largement adoptée en Europe, sont considérées en situation de précarité les personnes qui consacrent plus de 10 % de leurs revenus à leurs dépenses d’énergie pour maintenir un bon niveau de dans leur logement (21 °C dans la pièce principale).1

Cette approche est imparfaite. L’impact d’une facture n’est bien sûr pas la même dans un ménage à hauts revenus que dans un ménage à bas revenus. Le niveau de consommation varie fortement selon les conditions de l’habitat (grand ou petit logement, bonne ou mauvaise isolation, immeubles collectifs, maisons individuelles, zone urbaine ou zone rurale…).

 
24,2 % :
la proportion des ménages français en précarité énergétique

La Grande-Bretagne a ainsi complété l’indicateur des 10 % par d’autres considérations, comme l’écart des dépenses d’un ménage avec des moyennes nationales ou locales, ou le fait de passer sous le seuil de pauvreté une fois soustraites de ses revenus les dépenses d’énergie.

En France, on a repris l’indicateur des 10 % mais en y ajoutant aussi d’autres critères définis par l’Observatoire national de la précarité énergétique (ONPE)2, notamment le « ressenti du froid », exprimé lors d’enquêtes, ou le comportement du consommateur. Certains foyers baissent en effet drastiquement leur chauffage pour dépenser moins.

Combien de « précaires énergétiques » ?

La variété des situations rend difficiles les statistiques, mais on évalue entre 50 et 125 millions le nombre de citoyens de l’Union européenne qui souffrent de précarité énergétique.

En France, l’ONPE a élaboré quatre critères, qui reprennent la méthode britannique et y ajoutent l’impact de la taille du logement, de la composition du ménage, et même la dimension du « froid ressenti » mesuré par sondages auprès de personnes.

Avec ces outils, l’ONPE a défini dans son dernier rapport3 un « noyau » de la précarité énergétique, constitué de ménages qui souffrent du froid et rencontrent des difficultés pour payer leurs factures. Il inclurait 1 million de ménages (2,6 millions de personnes, car ce sont souvent des familles nombreuses).

Autour du noyau, l’ONPE dessine une « enveloppe » où 5,6 millions de ménages (12,1 millions d’individus) subissent un « inconfort thermique » et éprouvent des difficultés financières.

Les chiffres de ces deux secteurs sont en hausse : le noyau est passé de 3 % des ménages en 2006 à 3,9 % en 2013, l’enveloppe de 18,4 % à 20,4 % des ménages pendant la même période.

Il n’y a pas de profil type du « précaire énergétique ». Mais beaucoup sont âgés (55 % de plus de 60 ans), souvent en zone rurale (35 %) et une majorité (62 %) sont des propriétaires, résidant dans des maisons individuelles mal isolées.

La précarité énergétique a de multiples répercussions : sur la santé, avec l’apparition de maladies chroniques, sur la sécurité, avec les accidents liés à des chauffages de fortune, sur la réussite scolaire des enfants, sur l’exclusion sociale des personnes les plus faibles, notamment les personnes âgées disposant de petites retraites. Autant de facteurs pouvant aboutir à une véritable ségrégation sociale.

Les remèdes de court et long terme

Les remèdes sont doubles : des aides au paiement de la facture et des aides à la rénovation de l’habitat pour réduire cette facture. Les premières ont un effet palliatif mais ne s’inscrivent pas dans le long terme. Les secondes sont inadaptées aux cibles les plus fragiles qui n’ont pas les moyens de compléter les aides pour financer des travaux.

En France, l’aide est apportée à 2,7 millions de foyers sous la forme de tarifs sociaux qui se traduisent par une déduction forfaitaire – autour de 15 euros par mois en 2014 - sur les factures d’électricité et de gaz. Une « prime à la cuve » aide les personnes se chauffant au fuel.

La loi de a introduit l’idée d’un « chèque énergie », destiné à aider les ménages modestes à payer leurs factures d’énergie. Il est expérimenté depuis mai 2016 sur certains territoires et doit être généralisé au 1er janvier 2018. Il sera utilisable pour d’autres sources de chauffage que le gaz et l’électricité et pourra en outre contribuer au paiement d’achat d’équipements plus performants ou de travaux de rénovation.

La solution de long terme est la rénovation de l’habitat.  Des dispositifs spécifiques ont été prévus pour les personnes précaires comme le plan « Habiter mieux », géré par l’Agence nationale de l’habitat (ANAH) qui prévoit 300 000 rénovations de logements privés pour la période 2010-2017. Un autre dispositif est celui des CEE, les « certificats d’économies d’énergie », créé en 2006, qui impose aux vendeurs d’énergie de promouvoir activement l’ auprès de leurs clients (ménages, collectivités territoriales ou professionnels). Dans ce cadre, les fournisseurs accompagnent financièrement les ménages en précarité énergétique lors des travaux d’économies d’énergie.

La mobilité, l’autre versant de la précarité

Un déplacement domicile-travail en voiture de 20 km équivaut à 25 % du SMIC.

Il existe un autre « versant » de la précarité énergétique, celui de la mobilité. Selon des études4, le coût en France d'un déplacement domicile-travail de 20 km en voiture équivaut à 25 % du SMIC.

Ne pas être mobile peut gêner la recherche d’un emploi, freiner la réinsertion, accroître l’isolement. D'où le concept de « mobilité inclusive », à la recherche de solutions multiples, comme l'auto-partage social, le co-voiturage, les transports micro-collectifs, la mise à disposition ponctuelle de véhicules, les réparations bon marché d’automobiles ou de vélos.

Consommation et économies d'énergie

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