Du gaz à effet de serre dans nos assiettes ?
Publié le 23.02.2017Lecture 10 min
L’alimentation est une préoccupation sociale universelle. Dans beaucoup de pays pauvres, il s’agit d’atteindre le minimum vital. Dans les pays développés, il s’agit souvent de la rendre plus saine, moins riche en calories pour lutter contre l’obésité ou des maladies cardio-vasculaires. Le contenu de l’assiette en gaz à est moins facilement identifiable mais il est partie intégrante de la lutte contre le .

© Thinkstock - Les aliments (végétaux, carnés ou fortement transformés) ont des impacts différents sur les émissions de CO2.
Le calcul de la part de dans l’assiette d’un consommateur ne peut être effectué que dans le cadre d’un pays ou d’une zone, tant les habitudes de consommation et l’organisation des filières agro-alimentaires sont variables de la Chine à l’Afrique, ou même des États-Unis à l’Europe. Elle est en outre complexe à établir tant les opérations qui conduisent « du champ à l’assiette », selon l’expression consacrée, sont multiples et complexes !
En France, selon l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME), l’agriculture au sens large représente 19 % des émissions de GES du pays. Mais cette « étape » de l’agriculture ne représente que 50 à 70 % de toutes les émissions de GES liés à nos aliments si l’on adopte une approche fondée sur les « cycles de vie ».
L’analyse des cycles de vie
En effet, une fois estimées les émissions relatives à l’exploitation des sols, il faut ajouter celles qui relèvent de la transformation des produits agricoles, de leur emballage, de leur transport, de leur distribution… et de nos propres habitudes de consommation. Cette appréhension globale constitue l’analyse du « cycle de vie » (ACV), qui est valable d’ailleurs pour de nombreux secteurs, comme l’habitat ou l’automobile. Le calcul est soumis à de multiples incertitudes : une aubergine venant de Hollande en hiver sera forcément issue de serres chauffées, mais le bilan sera différent si elles le sont avec des énergies renouvelables ou fossiles ; un sucre peut venir d’une zone de déforestation, auquel cas il faudra doubler ses émissions (si on a l’information bien sûr) ; les fruits et légumes frais, s’ils sont hors saison et donc venus de loin, seront aussi émetteurs de GES que des viandes produites localement.
Cette approche déjà compliquée ne prend pas en compte les émissions provoquées par le consommateur lui-même. Elles varient selon le nombre de kilomètres parcourus pour arriver au magasin ou au supermarché, selon les types de réfrigérateurs ou congélateurs utilisés, le gaspillage des denrées et le recyclage des déchets. Des découvertes étonnantes ont été faites : faire bouillir une grande casserole d’eau pour cuire une poignée de spaghettis émet plus de CO2 qu’il n’y a eu de GES émis pour produire la farine, fabriquer les pâtes, les emballer et les transporter…
Les circuits courts, c’est-à-dire des ventes avec un seul intermédiaire entre le producteur et le consommateur, sont souvent considérés comme plus économes en énergie et en émissions. Mais l’ACV provoque quelquefois des surprises, notamment parce que les dépenses de carburants au kilogramme transporté seront plus élevées sur des petits marchés, dans le mesure où ils débitent de petites quantités, distribuées par de nombreux véhicules. Une grande surface fera venir des quantités massives, transportées avec des véhicules de grande capacité.
De nombreux organismes ont entrepris de faire les calculs, mettant à la disposition du grand public des « calculateurs » sur la quantité de GES « dans l’assiette » selon les menus. En France l’ADEME a conduit un travail de référence, baptisés FoodGES1.
Viandes, poissons, légumes frais et plats cuisinés…
Ces études permettent de tirer des enseignements généraux. Une synthèse publiée par le site Manicore, à l’expertise reconnue, donne des lignes directrices généralement acceptées2 :
- Les viandes, avec leurs longues chaînes de production et de traitement, sont les plus émettrices de GES, avec une « hiérarchie » : le veau devance le bœuf, suivi par le mouton et le porc, puis les volailles.
- Le lait provoque de faibles émissions, qui augmentent vite au fur et à mesure des transformations (yaourts, beurre, fromages à pâte crue, pâtes cuites).
- Le pain, les pâtes, le riz sont juste un peu plus émettrices que les fruits et légumes (sauf exotiques).
Les plats cuisinés et congelés, les produits très élaborés, emballés en très petites quantités, vont bien sûr être lourds en émissions puisqu’ils supposent des opérations nombreuses et complexes, par rapport aux produits bruts ou distribués « en vrac ».
D’autre part, il faut aussi considérer les quantités consommées en termes de poids. Selon Manicore, au bout d’une année, c’est le poste « légumes et fruits » qui aura émis le plus de GES, car les masses consommées sont bien plus élevées que celles du poste « viandes », donc responsables de plus d’émissions.
Les conseils pour baisser l’empreinte carbone
La prise de conscience de l’impact de l’alimentation sur les émissions de GES (couplée aux préoccupations sur la santé et les excès de l’alimentation industrielle) ont conduit dans les pays développés à des campagnes plus ou moins radicales.
Sans aller jusqu’à la mode du « vegan » – qui consiste à ne consommer aucun produit issu des animaux – de nombreux organismes conseillent de manger moins de viande, plus de fruits et légumes de saison, de privilégier les producteurs locaux quand cela est possible, de limiter les plats cuisinés et congelés3.