Les biocarburants : vraiment « verts » et durables ?

Publié le 02.08.2016
Lycée
Sciences et technologies de l’industrie et du développement durable

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Salués au départ comme « carburants verts », les premiers biocarburants exploités à échelle industrielle ont été mis en question à la fois pour la consommation réelle d’énergie lors de leur fabrication et pour leur impact sur les cultures destinées à l’alimentation humaine. 

Le développement des biocarburants

Développés dès les années 1970 au Brésil ou aux États-Unis – qui restent deux grands pays producteurs et consommateurs – et à partir des années 1990 en Europe, les biocarburants répondent au départ à des objectifs divers : valoriser des ressources agricoles, améliorer l’ d’un pays, assurer des revenus aux agriculteurs.

Au tournant du siècle, alors que la préoccupation climatique croît, ils apparaissent comme moins émetteurs de CO2 que les carburants pétroliers. A partir de 2003, l’Union européenne (UE) incite ses États membres à fixer des objectifs contraignants d’intégration de biocarburants dans les carburants classiques, puis en 2009 demande à chaque pays de faire en sorte que d’ici 2020, 10 % de l’énergie utilisée dans le secteur des transports provienne de sources renouvelables (biocarburants, mais aussi électricité « verte » ou ).

Mais experts et mouvements écologiques commencèrent à s’interroger sur plusieurs aspects de la production des biocarburants1:
  • quel bilan en termes d’ et d’émissions de CO2 ? Il faut de l’énergie à chaque étape de la chaîne de production des biocarburants, des engrais et pesticides pour la culture, des machines pour la transformation, des moyens de transports, etc. Chaque étape implique un bilan carbone qui doit être pris en compte en bout de chaîne ;
  • quel équilibre entre les besoins pour l’alimentation et les besoins pour les biocarburants (résumé dans la formule en anglais « food vs fuel ») ? Si on consacre beaucoup de terres agricoles aux biocarburants, la production alimentaire risque d’être menacée, notamment dans des régions où elle est déjà précaire, alors que plus de deux milliards d’habitants vivent dans la pauvreté et que la population mondiale est en croissance rapide ;
  • quelles conséquences dans l’affectation des sols ? L’attribution aux filières de biocarburants de vastes surfaces peut provoquer l’exode rural de populations, accélérer la déforestation comme en Indonésie avec le développement des palmiers à huile, ou conduire les agriculteurs à conquérir de nouveaux espaces autrefois dévolus à la forêt ou à des zones humides importantes pour la et très efficaces pour capter le CO2. On parle alors d’ILUC (indirect land use change) ou de CASI (changement d’affectation des sols indirect).
Les biocarburants dits de « deuxième génération » diminueront le risque de concurrence avec l’alimentation.

Les critères européens de durabilité

Le débat a été – et est toujours – particulièrement animé en Europe entre les élus, les mouvements environnementaux, les professionnels agricoles et les industriels.

 

En 2009, l’Europe introduit des « critères de durabilité » pour les biocarburants consommés dans l’UE. Ils leur fixent une réduction minimale des émissions de gaz à par rapport aux carburants pétroliers (35 % puis 50 % à partir de 2017) et certaines conditions d’usage des sols2. A partir de 2012, l’UE change franchement de cap. Elle décide que les combustibles issus de l’agriculture (de première génération) ne pourront produire plus de 5 % de l’énergie des transports. En 2015, nouvelle restriction : elle limite à 7 % la conversion de cultures vivrières en biocarburants sur son espace. En mai 2016, l’UE abandonne sa règle de 2009 : l’objectif des 10 % d’énergie renouvelable dans le secteur des transports disparaîtra après 2020, au profit d’objectifs tous secteurs confondus, au niveau de l’UE dans son ensemble. Très critiquée par les producteurs de biocarburants, l’UE doit préciser courant 2016 ses positions sur ce dossier très sensible.

Malgré ces difficultés, les biocarburants apparaissent essentiels pour réduire les émissions de CO2 dans le secteur des transports, notamment le transport aérien et la circulation des poids lourds. L’IATA (Association du Transport Aérien International) s’est fixé l’objectif de 10 % de biocarburants dans la consommation totale du secteur d'ici 2017. Le transport routier est à la recherche de carburants moins émetteurs de CO2 pour les poids-lourds, qu’il s’agisse de biocarburants ou de carburants gazeux.

Les avantages des carburants de deuxième génération

Les biocarburants dits de deuxième génération, issus de la ligno-cellulose ou des huiles résiduelles, pourraient apporter une incontestable amélioration en n’entrant plus en compétition avec l’agriculture.

Avec toutefois quelques limites :
  • les coûts de production nettement plus élevés que ceux de la première génération ;
  • le recours à des « résidus » qui sont actuellement déjà utilisés, comme combustibles ou comme éléments d’alimentation animale ;
  • l’utilisation de la paille et d’autres déchets agricoles dont l’enfouissement contribue aujourd’hui à l’enrichissement des sols et permet d’y stocker du carbone.

 

Sources: 
  1. Rapport FAO 
  2. L’application en France 

 

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