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Avec l’une des économies les plus puissantes et compétitives du monde, l’Allemagne est un gros consommateur d’énergie et un important émetteur de gaz à effet de serre. Un Allemand émet en moyenne plus de 9 tonnes de gaz à effet de serre par an (5,8 tonnes pour un Français). Notamment parce que la part du charbon et du gaz dans le mix énergétique y est aujourd’hui encore élevée.
Mais c’est aussi sans doute un des pays qui a fait les choix les plus volontaristes dans la recherche de l’efficacité énergétique et le développement des énergies renouvelables. La population allemande est aussi la plus sensible aux impacts environnementaux et mise sur les technologies qui permettent d’exploiter les énergies renouvelables. Quitte à être l’un des pays industrialisés où la facture d’électricité des foyers est la plus chère (le kWh coûte aux ménages allemands plus de deux fois plus qu’aux Français).
Les paris de l’Allemagne semblent audacieux mais elle les considère comme devant permettre peut-être demain d’asseoir encore un peu plus la puissance de son industrie.
Histoire de l'énergie
en Allemagne
Les choix énergétiques
L'Allemagne aujourd'hui
Les enjeux du futur
L’ Allemagne : quels choix énergétiques au fil du temps ?
Comme dans toute l’Europe, le bois représente la principale source d’énergie du vaste territoire du Saint Empire Romain Germanique, dont fait partie l’Allemagne que nous connaissons aujourd’hui. Il sert essentiellement au chauffage et à la cuisson des aliments. Les autres besoins sont couverts par la force musculaire, humaine et animale.
Les Allemands exploitent petit à petit l’énergie hydraulique. Un seul moulin à eau suffit alors à remplacer plusieurs dizaines d’hommes. Ce sont ensuite les moulins à vent qui font leur apparition, essentiellement dans le Nord. Dès le XIIe siècle, l’Allemagne se lance aussi dans l’exploitation peu profonde de mines de charbon, dans le Harz et en Bohême notamment.
Les premières mines de charbon importantes sont ouvertes au XVIIIe siècle. Les principales ressources se situent dans les bassins de Silésie, de Saxe, de Sarre et d’Aix-la-Chapelle. En 1782, la famille Krupp (voir photo d’Alfred Krupp), qui deviendra bientôt l’une des plus grandes puissances industrielles du pays, monte ses premières installations dans la région d’Essen.
Première moitié du XIXe siècle : l’union douanière
Les 39 États regroupés au sein de la Confédération allemande n’ont en commun que la langue. Mais tout doucement, le pays se structure : la première société de distribution de gaz de ville voit le jour en 1826, le Deutscher Zollverein - union douanière qui a pour objectif de créer un marché intérieur unique - entre en vigueur en 1834. De nouvelles universités sont chargées de former les ingénieurs, et le réseau de chemins de fer et les voies navigables se développent.
Autour de 1850 : des mines de plus en plus profondes
C’est au lendemain de la guerre franco-prussienne de 1870 et avec la proclamation de l’Empire allemand, dans la galerie des glaces du château de Versailles, sous l’impulsion du chancelier Bismarck (voir image), que naît l’Allemagne moderne. En plus d’un sous-sol riche en ressources énergétiques, d’un réseau de voies de communication dense (20 000 km de chemins de fer en 1870 contre 16 500 km en France) et de grandes entreprises, les « Konzerne », le pays dispose de tous les atouts pour devenir un leader économique et industriel. Les charbonnages allemands connaissent leur heure de gloire et les volumes d’extraction explosent : 70,4 millions de tonnes de houille et 19 millions de tonnes de lignite en 1890.
Dix ans après la première exposition internationale d'électricité au Palais de l'Industrie de Paris, l’Allemagne est à la pointe du progrès en la matière. Le premier tramway électrique du monde, imaginé par Werner von Siemens, est mis en service près de Berlin, en 1881. En 1883, Emil Rathenau fonde une société spécialisée dans l’appareillage électrique (ampoules, fers à repasser, bouilloires, radiateurs, réfrigérateurs, etc.), qui deviendra bientôt l’une des entreprises les plus florissantes du pays. La première compagnie d’électricité est créée à Berlin en 1884 et la première expérience de transport d’électricité sur une grande distance est réalisée en 1891.
L’ingénieur allemand Rudolf DieselLe diesel est avant tout le nom d'un moteur à combustion interne fonctionnant par allumage spontané...(voir image) met au point le moteur qui porte aujourd’hui encore son nom. Il est installé dans les navires, les sous-marins, les locomotives et les camions mais aussi dans l’industrie et dans l’armée. À l’origine, il devait être alimenté par du charbon pulvérisé. Pour des questions de prix et de fiabilité, le fioul sera finalement préféré.
Les Alliés ayant mis en place un blocus dès le début de la guerre, l’Allemagne se tourne vers la Roumanie pour son approvisionnement en pétrolePétrole non raffiné.
roumain et en charbon. En 1917, le ministre des Affaires étrangères allemand, Arthur Zimmermann, propose au Mexique, alors deuxième producteur de pétrole du monde, une alliance contre les États-Unis. Intercepté, son télégramme précipitera l’entrée en guerre des Américains.
L’entre-deux-guerres : le procédé Fischer-Tropsch
Après la défaite et les blocus imposés par les Alliés, l’Allemagne investit lourdement dans la Recherche et le Développement d’industries de substitution, les fameux « Ersatz ». En 1923, deux chimistes, Franz Fischer et Hans Tropsch, mettent au point un procédé. Leur objectif : produire un carburantUn carburant est un combustible liquide (comme l'essence), gazeux (comme le GPLc) ou solide (comme un propergol)...
liquide synthétique à partir de charbon. L’idée séduit Adolf Hitler qui voit là la source d’énergie rêvée pour alimenter son armée et la production démarre. L’usine la plus importante est implantée à Leuna.
1939-1945 : l’accélération de la production de pétrole de synthèse
Jusqu’en 1944, la seule ressource en pétrole du Reich se trouve en Roumanie, mais les raffineries de pétrole sont régulièrement bombardées. Pour s’assurer un approvisionnement en énergie, les troupes de l’Allemagne et de ses alliés tentent de prendre le contrôle du Moyen-Orient et du Caucase, mais les manœuvres d’Hitler échouent. Le pays est frappé par une pénurie de pétrole. L’industrie chimique allemande prend alors le relais pour soutenir la Wehrmacht et l’approvisionner en carburants de synthèse issu du procédé Fischer-TropschProcédé chimique inventé en Allemagne en 1923, permettant la conversion de charbon ou de gaz en hydrocarbures liquides...
créé en 1923. En 1943, la production monte à environ 5,7 millions de tonnes. De quoi combler 90 % des besoins de sa flotte aérienne et plus de 50 % de ceux du pays. Les bombardements stratégiques, notamment sur Leuna, mettent à mal la production nationale.
Au lendemain de la guerre, le plan allié prévoit le partage du pays et de son administration, le démantèlement de l’industrie allemande et la mise sous surveillance de son économie. Mais, des dissensions apparaissent rapidement entre les Soviétiques et les Occidentaux. À l’Ouest, le réseau électrique se construit - une structure qui perdure encore aujourd’hui. À l’Est, les Soviétiques nationalisent les installations (centrales, appareillages, réseau, etc.). En 1949, les Soviétiques constituent la République démocratique d’Allemagne (RDA) (voir drapeau) et les Alliés la République fédérale d’Allemagne (RFA).
1952 : création de la Communauté européenne du charbon et de l’acier (CECA)
Sous l’impulsion de Robert Schuman, ministre des Affaires étrangères français, six pays (la France, la RFA, l’Italie, la Belgique, le Luxembourg et les Pays-Bas) signent le Traité de Paris qui entrera en vigueur en juillet 1952 et fondera la Communauté européenne du charbon et de l’acier (CECA). Son principal objectif, selon Robert Schuman : « soutenir massivement les industries européennes du secteur pour leur permettre de se moderniser ».
Alors que Willy Brandt (voir image), ministre des Affaires étrangères - et futur chancelier de la RFA - juge dès 1967 indispensable l’élaboration d’une politique européenne commune dans les domaines des transports et de l’énergie, l’Allemagne de l’est connait des difficultés endémiques. Le passage du courant continu au courant alternatifLe courant alternatif est un courant électrique périodique qui change de sens deux fois par période...
ne se fera qu’en 1965. Et il faudra attendre encore pour passer des 110 aux 220 volts. Les installations ne sont pas adaptées et souvent obsolètes. À l’occasion du réveillon du nouvel an 1978-79, une soudaine vague de froid fait s’effondrer le réseau électrique.
Sous l’impulsion du chancelier Helmut Schmidt, de gros investissements sont consentis dans le secteur du nucléaire et le gouvernement complète sa politique par une série de mesures visant à améliorer l’isolation des bâtiments et l’efficacité des moteurs et appareils de chauffage.
1980 : la RDA rattrapée par la crise
Après le choc pétrolierUn choc pétrolier est causé par une pénurie de pétrole réelle, anticipée ou spéculative...
de 1973, la RDA bénéficie pendant quelques années d’un sursis du fait des tarifs particuliers pratiqués dans le bloc de l’Est. Mais, au début des années 1980, le pays est rattrapé par la crise. L’URSS fait face à d’énormes difficultés économiques et ne peut plus approvisionner la RDA en pétrole brut à des prix inférieurs aux prix mondiaux. Les prix flambent et la pénurie menace. Les Allemands sont fermement encouragés à économiser le carburant et contraints à l’usage de la bicyclette pour les déplacements urbains. La RDA investit aussi dans la prospection intensive sur son propre territoire. Mais, en manque cruel de devises et de technologies adaptées, le pays doit se rabattre sur l’exploitation du charbon et du lignite. Les chemins de fer allemands de l’Est (Reichsbahn) remettent en service des locomotives à vapeur. La RDA demande des milliards de prêts aux pays de l’Ouest.
Fragilisée comme toute l’Europe par le second choc pétrolier de 1979, l’Allemagne met en service en 1983 sa première grande installation éolienne, dans le nord du pays. La RFA marque ainsi clairement, et en opposition avec ses voisins européens, sa volonté de poursuivre sur la voie du développement de l’énergie renouvelable. D’autant que l’on découvre à cette époque les effets dévastateurs des pluies acides, attribuées principalement à la pollution atmosphérique par le soufre émis lors de la combustion du charbon. Un tiers des forêts du pays semble touché et une conscience écologique voit le jour dans les esprits allemands.
L’heure de la réunification a sonné. Le marché est-allemand de l’énergie est redistribué entre une dizaine de sociétés de l’ex-RFA. Comme c’était déjà le cas à l’Ouest, le marché de l’énergie est alors organisé en trois échelons. Les services publics municipaux se chargent de la distribution. En ex-RDA, l’exploitation du charbon et du lignite se poursuit. Et les échanges de gaz et de pétrole avec la Russie s’intensifient.
Dans le cadre des politiques communautaires de la concurrence, l’Allemagne libéralise le marché de la distribution d’électricité et de gaz. Le consommateur peut dès lors choisir son distributeur. Aujourd’hui, le pays compte plus de 800 fournisseurs d’électricité et presque autant pour le gaz. Pour l’électricité, quatre d’entre eux (E.ON, EnBW, Vattenfall et RWE) se partagent encore 80 % des parts du marché. En 2001, trois ans après son arrivée au pouvoir, la coalition SPD/Grünen met en place une politique qualifiée de modernisation énergétique construite autour de deux axes majeurs : le développement des énergies renouvelables et une sortie du nucléaire d’ici à 2021 avec un arrêt progressif des 19 réacteurs que compte le pays. Arrivée au pouvoir en 2009, la coalition CDU/FDP, Angela Merkel en tête, accorde un sursis aux opérateurs du nucléaire, reportant la fermeture des centrales aux années 2030.
L’accident de la centrale japonaise conduit la Chancelière, Angela Merkel (Voir photo) à décider brutalement l’arrêt immédiat des huit réacteurs les plus anciens du pays. Une semaine plus tard, elle met en place une Ethikkommission. Composée essentiellement de philosophes et de sociologues, cette commission met à l’écart les industriels. En mai, elle rend un rapport faisant état de la possibilité de sortir du nucléaire grâce au développement des énergies renouvelables, sans pour autant perdre en sécurité d’approvisionnement. Le recours aux centrales thermiques à flamme (centrale qui produit de l’électricité à partir de la combustion de gaz, charbon ou fioul) sera cependant indispensable pendant la période de transition énergétiqueLa transition énergétique désigne le passage du système actuel de production d'énergie...
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Les énergies, un mix en perpétuelle évolution
Les énergies renouvelables, nouveau pilier de l’économie allemande
L’Allemagne a particulièrement souffert des crises pétrolières des années 1970. Entre 1973 et 1975, la RFA voit son taux de chômage tripler, puis grimper encore après 1979. En RDA, le chômage n’existait pas officiellement mais la crise est également de grande ampleur. La RFA, quant à elle, choisit aussi d’investir dans le développement des énergies renouvelables. Une façon de retrouver une certaine indépendance énergétiqueL'indépendance énergétique d’un pays ou d’un territoire désigne sa capacité à satisfaire l’ensemble de ses besoins en énergie...
mais aussi de relancer l’économie du pays. Après la réunification de 1989, cette volonté d’investissement dans le futur se manifeste encore plus.
Aujourd’hui, même si les industries métallurgique, mécanique et automobile restent de loin les plus importantes du pays, les énergies renouvelables sont en passe de devenir un nouveau pilier pour l’économie allemande. En 2010, avec plus de 30 milliards d’euros injectés (soit 10 fois plus qu’en France), l’Allemagne accède à la deuxième place mondiale des investisseurs dans le secteur des énergies, derrière la Chine. Elles emploient plus de 370 000 personnes (à comparer aux 415 000 de l’industrie chimique) auxquelles elles offrent des emplois qualifiés et généralement non délocalisables. Et, même si le photovoltaïque souffre de la concurrence chinoise, les entreprises du secteur prévoient une croissance d’au moins 10 % par an jusqu’en 2020.
L’accident de Fukushima et la sortie du nucléaire
L’utilisation de l’énergie nucléaire a toujours fait débat dans une Allemagne traumatisée par la seconde guerre mondiale et la « guerre froide » qui s’est ensuivie. Enclenchée par le gouvernement de coalition social-démocrate et « vert », puis repoussée par le gouvernement dominé par les chrétiens-démocrates, la sortie du nucléaire sera confirmée par la Chancelière Angela Merkel en mars 2011, immédiatement après l’accident de Fukushima. Cette restructuration volontariste du mix énergétique va dominer la politique énergétiqueLa politique énergétique d'un pays est l'ensemble des orientations et décisions prises en matière de production et de consommation d'énergie...
de l’Allemagne dans les années à venir.
En dehors des problèmes économiques et techniques, la sortie du nucléaire confronte l’Allemagne à la question de la hausse de la facture énergétique de ses habitants.
Aujourd’hui, le coût de ce tournant énergétique fait débat et certains, comme Peter Altmaier, ministre de l’Environnement (CDU), craignent que la question ne devienne bientôt un problème social.
Économiser l’énergie, un engagement citoyen
L’Allemagne de l’Ouest met en place des politiques publiques d’efficacité énergétique et d’économies, soutenues très largement par les citoyens.
Entre 2004 et 2009, 1 million de bâtiments ont pu être rénovés et 400 000 bâtiments à haute efficacité énergétique ont été construits grâce à 27 milliards d’euros de prêts et de subventions publics.
De manière générale, les ménages prennent conscience des problématiques énergétiques et ajustent leurs comportements. Leurs consommations domestiques baissent. Entre 2000 et 2006, la consommation unitaire d’énergie de chauffage diminue de 16 % (contre 7,5 % en France).
Aujourd’hui, dans le secteur des transports, l’objectif est de réduire les consommations au kilomètre de 10 % d’ici 2020, par rapport à 2005. Ces 20 dernières années déjà, celle-ci a baissé de quelque 45 % dans le transport de marchandises et de quelque 30 % dans le transport des personnes.
L’accent sur les technologies et les visions d’avenir
L’Allemagne a misé sur l’innovation depuis 1970 et les grands groupes allemands - comme les PME - profitent de l’avance technologique acquise dans le secteur énergétique pour exporter. Un savoir-faire qui touche la prospection et l’exploitation des installations pétrolières tout d’abord, l’énergie nucléaire ensuite, mais surtout le secteur des énergies renouvelables.
Au début des années 2000, la branche allemande du Club de Rome est à l’origine de Desertec, un vaste projet d’exploitation du potentiel énergétique des déserts dans le but d’approvisionner l’Europe, le Moyen-Orient et le nord de l’Afrique. Car, selon le physicien allemand Gerard Knies, « les déserts reçoivent, en seulement 6 heures, plus d’énergie du soleil que ce que consomme l’humanité en une année ». Mais, si plusieurs grands industriels allemands (Bosch, Siemens, etc.) ont d’abord suivi le mouvement, ils ont récemment décidé de prendre du recul, invoquant une situation économique « plus difficile que prévue ».
Aujourd’hui, le quartier Vauban est constitué de maisons à énergie positive, alimentées par l’énergie solaire et particulièrement bien isolées. Ses bâtiments abritent des toitures végétalisées et sont construits à partir de matériaux écologiques. Le quartier est desservi par le tramway et ne se trouve qu’à 15 minutes de vélo du centre-ville. Les voitures n’y ont pas le droit de cité. Les anciennes voies de circulation sont converties en rues où les enfants jouent sans risque.
Les énergies renouvelables, nouveau pilier de l’économie allemande
La deuxième guerre mondiale provoquée par le régime nazi, la division du pays, les effets des chocs pétroliers, la guerre froide avec ses tensions militaires ont profondément marqué le peuple allemand dans ses choix face à l’énergie. Le pays s’oriente vers les énergies renouvelables et une politique volontariste en faveur de l’efficacité énergétique, notamment dans l’habitat.
L’Allemagne a particulièrement souffert des crises pétrolières des années 1970. Entre 1973 et 1975, la RFA voit son taux de chômage tripler, puis grimper encore après 1979. En RDA, le chômage n’existait pas officiellement mais la crise est également de grande ampleur. La RFA, quant à elle, choisit aussi d’investir dans le développement des énergies renouvelables. Une façon de retrouver une certaine indépendance énergétique mais aussi de relancer l’économie du pays. Après la réunification de 1989, cette volonté d’investissement dans le futur se manifeste encore plus.
Aujourd’hui, même si les industries métallurgique, mécanique et automobile restent de loin les plus importantes du pays, les énergies renouvelables sont en passe de devenir un nouveau pilier pour l’économie allemande. En 2010, avec plus de 30 milliards d’euros injectés (soit 10 fois plus qu’en France), l’Allemagne accède à la deuxième place mondiale des investisseurs dans le secteur des énergies, derrière la Chine. Elles emploient plus de 370 000 personnes (à comparer aux 415 000 de l’industrie chimique) auxquelles elles offrent des emplois qualifiés et généralement non délocalisables. Et, même si le photovoltaïque souffre de la concurrence chinoise, les entreprises du secteur prévoient une croissance d’au moins 10 % par an jusqu’en 2020.
L’accident de Fukushima et la sortie du nucléaire
L’utilisation de l’énergie nucléaire a toujours fait débat dans une Allemagne traumatisée par la seconde guerre mondiale et la « guerre froide » qui s’est ensuivie. Enclenchée par le gouvernement de coalition social-démocrate et « vert », puis repoussée par le gouvernement dominé par les chrétiens-démocrates, la sortie du nucléaire sera confirmée par la Chancelière Angela Merkel en mars 2011, immédiatement après l’accident de Fukushima. Cette restructuration volontariste du mix énergétique va dominer la politique énergétique de l’Allemagne dans les années à venir.
En dehors des problèmes économiques et techniques, la sortie du nucléaire confronte l’Allemagne à la question de la hausse de la facture énergétique de ses habitants.
Aujourd’hui, le coût de ce tournant énergétique fait débat et certains, comme Peter Altmaier, ministre de l’Environnement (CDU), craignent que la question ne devienne bientôt un problème social.
Économiser l’énergie, un engagement citoyen
L’Allemagne de l’Ouest met en place des politiques publiques d’efficacité énergétique et d’économies, soutenues très largement par les citoyens.
Entre 2004 et 2009, 1 million de bâtiments ont pu être rénovés et 400 000 bâtiments à haute efficacité énergétique ont été construits grâce à 27 milliards d’euros de prêts et de subventions publics.
De manière générale, les ménages prennent conscience des problématiques énergétiques et ajustent leurs comportements. Leurs consommations domestiques baissent. Entre 2000 et 2006, la consommation unitaire d’énergie de chauffage diminue de 16 % (contre 7,5 % en France).
Aujourd’hui, dans le secteur des transports, l’objectif est de réduire les consommations au kilomètre de 10 % d’ici 2020, par rapport à 2005. Ces 20 dernières années déjà, celle-ci a baissé de quelque 45 % dans le transport de marchandises et de quelque 30 % dans le transport des personnes.
L’accent sur les technologies et les visions d’avenir
L’Allemagne a misé sur l’innovation depuis 1970 et les grands groupes allemands - comme les PME - profitent de l’avance technologique acquise dans le secteur énergétique pour exporter. Un savoir-faire qui touche la prospection et l’exploitation des installations pétrolières tout d’abord, l’énergie nucléaire ensuite, mais surtout le secteur des énergies renouvelables.
Au début des années 2000, la branche allemande du Club de Rome est à l’origine de Desertec, un vaste projet d’exploitation du potentiel énergétique des déserts dans le but d’approvisionner l’Europe, le Moyen-Orient et le nord de l’Afrique. Car, selon le physicien allemand Gerard Knies, « les déserts reçoivent, en seulement 6 heures, plus d’énergie du soleil que ce que consomme l’humanité en une année ». Mais, si plusieurs grands industriels allemands (Bosch, Siemens, etc.) ont d’abord suivi le mouvement, ils ont récemment décidé de prendre du recul, invoquant une situation économique « plus difficile que prévue ».
Aujourd’hui, certaines technologies des énergies renouvelables, et principalement les technologies éoliennes, semblent avoir atteint la maturité. Mais l’Allemagne poursuit aussi ses travaux de R&D dans le secteur du charbon. Elle développe de nouvelles centrales dont le rendement peut atteindre les 50 % contre moins de 40 % pour les centrales classiques. Elles émettent donc moins de gaz à effet de serre par MWh d’électricité produit.
Nouvelles organisations urbaines, nouveaux modes de vie
Un secteur mérite une attention particulière par son symbolisme en matière de « fibre écologique » des citoyens, celui de l’urbanisme.
Dès la fin du XXe siècle, les éco-quartiers voient le jour dans le pays. En 1996, la ville de Fribourg, par exemple, lance un vaste programme de réhabilitation d’une ancienne caserne française, un programme qui s’appuie sur une démarche de développement durable.
Aujourd’hui, le quartier Vauban est constitué de maisons à énergie positive, alimentées par l’énergie solaire et particulièrement bien isolées. Ses bâtiments abritent des toitures végétalisées et sont construits à partir de matériaux écologiques. Le quartier est desservi par le tramway et ne se trouve qu’à 15 minutes de vélo du centre-ville. Les voitures n’y ont pas le droit de cité. Les anciennes voies de circulation sont converties en rues où les enfants jouent sans risque.
Le mix électrique définit la part des sources fossiles, nucléaire et renouvelables dans la production d’électricité. Le mix électrique n’intègre pas les problématiques liées aux transports et à l’industrie. Additionnées, les parts du charbon et du lignite sont largement dominantes. La part du nucléaire en Allemagne est destinée à disparaître au profit des énergies renouvelables.
Sources : Banque mondiale, Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) et division de la population de l’Organisation des Nations unies (ONU).
QUELQUES CHIFFRES
SUPERFICIE
POPULATION
CROISSANCE DE
LA POPULATION
VIEILLISSEMENT DE
LA POPULATION
PIB
PIB PAR HABITANT
INDICE DE DÉVELOPPEMENT HUMAIN (IDH)
ÉMISSIONS DE CO2
Sources : Banque mondiale, Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) et division de la population de l’Organisation des Nations unies (ONU).
Quels choix énergétiques pour les générations futures ?
L’Allemagne s’est lancée dans une transition énergétique : une « Energiewende », de grande ampleur pour tenter de réduire ses émissions de gaz à effet de serre et de conserver une certaine indépendance énergétique.
L’Energiewende prévoit l’abandon complet du nucléaire d’ici 2022. Cette perte de production est pour l’heure assez facilement compensée, d’une part par une baisse de la consommation et des exportations et, d’autre part, par une hausse de la production d’énergie d’origine renouvelable et des importations d’électricité et de ressources fossiles. Les énergies renouvelables ne représentent plus pour l’Allemagne une source d’énergie alternative : à l’horizon 2050, le pays vise une proportion d’éolien, de solaire, de biomasse et d’hydraulique de 80 % dans son mix énergétique !
Mais cette politique pose un certain nombre de défis à l’industrie allemande.
L’intermittence des énergies renouvelables
@ THINKSTOCK
Les productions éoliennes et photovoltaïques, dépendent des conditions climatiques. Ainsi, même si la loi donne la priorité à l’injection de l’électricité produite par les énergies renouvelables dans le réseau, des éoliennes subissent régulièrement des arrêts forcés (1 085 arrêts en 2010). L’énergie produite, si elle n’est pas consommée immédiatement, ne peut être stockée facilement.
Pour contrer ces difficultés, l’Allemagne compte sur le développement de réseaux intelligents (les « smart gridsLes smart grids, ou réseaux électriques intelligents, s'appuient sur les nouvelles technologies de la communication et de l'information...
») et sur le stockage de l’électricité. Une solution transitoire pourrait également venir d’un accord conclu avec la Norvège : particulièrement riche en centrales hydrauliques et, grâce à des stations de pompageLe pompage est une technique de récupération assistée du pétrole et du gaz...
, ce pays pourrait recevoir et stocker le surplus d’électricité éolienne produite en Allemagne. Solution à coupler avec les mécanismes d’achat et de vente d’électricité entre pays européens qui permettront d’assurer la disponibilité en cas de pic de consommation.
Une transition assurée par les énergies fossiles
@ THINKSTOCK
L’Allemagne devra, au moins provisoirement, avoir recours aux ressources fossiles pour compenser la sortie du nucléaire et en attendant que l’exploitation des énergies renouvelables arrive à maturité. Depuis 150 ans, le charbon et le lignite jouent en Allemagne un rôle particulier. Chaque année, 70 millions de tonnes de charbon sont extraits du sous-sol allemand grâce à une exploitation qui bénéficiera encore d’aides de l’État - jusqu’en 2018. Mais le recours à l’importation (déjà 41 millions de tonnes en 2011) semble désormais inévitable. Les réserves de lignite apparaissent quant à elles inépuisables. Le pays en extrait chaque année 180 millions de tonnes. Ce combustibleUn combustible désigne tout composant ou matière solide, liquide ou gazeux susceptible de se combiner à un oxydant...
bon marché est utilisé pour produire de l’électricité. Dans les années à venir, de nombreuses nouvelles centrales à charbon seront mises en service. Et la société suédoise Vattenfall, troisième fournisseur d’électricité de l’Allemagne, prévoit déjà d’exploiter du lignite dans des mines à ciel ouvert jusqu’en 2070.
Parallèlement, l’Allemagne mise en particulier pour le chauffage des habitations, sur les centrales à gaz. Celles-ci émettent environ deux fois moins de gaz à effet de serre que celles à charbon et à pétrole. Pour se fournir en matière première, l’Allemagne continuera sans doute à compter sur la Russie de laquelle elle dépend déjà largement. Une dépendance qui explique la proximité diplomatique des deux pays et la construction de « Nord Stream », un gazoduc de plus de 2 000 km de long et reliant directement la Russie à l’Allemagne pour un approvisionnement de 27,5 milliards de m3 par an.
Le gouvernement a aussi décidé, en août 2012, d’organiser de manière responsable un débat sur l’utilisation des technologies de fracturation hydrauliqueSynonyme de fracturation artificielle.
destinées à exploiter les importantes réserves des « länders » en gaz de schisteLes gaz de schiste (ou shale gas) sont situés dans des roches sédimentaires argileuses enfouies à de grandes profondeurs...
. Selon l’Office fédéral de géophysique, le sous-sol allemand en renfermerait jusqu’à 2 300 milliards de m3 (consommation annuelle actuelle de gaz naturel : 86 milliards de m3). En février 2013, le gouvernement d’Angela Merkel a déposé un projet de loi visant à autoriser l’exploitation de cette ressource, sous certaines conditions (étude d’impact environnementalL'impact environnemental désigne l'ensemble des modifications de l'environnement générées par les activités humaines...
préalable et aucune autorisation sur les zones riches en eau potable).
Le coût de l’« Energiewende », une charge pour les consommateurs
Les opérateurs de réseau estiment que le coût de la sortie du nucléaire se situera entre 200 et 400 milliards d’euros. Une étude plus globale estime à quelque 2 000 milliards d’euros la facture globale de l’« Energiewende » allemand, une somme comparable aux efforts financiers consentis dans le cadre de la réunification. Même si l’organisme public KfW a annoncé en 2012 qu’il prévoit un investissement de 100 milliards d’euros dans les énergies renouvelables et l’efficacité énergétique, la facture énergétique allemande devra être en grande partie réglée par les consommateurs.
De plus, le développement de l’éolien marin se fait en bordure de la mer du Nord et l’électricité, quant à elle, est principalement consommée au sud de l’Allemagne. Une récente étude estime à 32 milliards d’euros le montant de l’investissement qui sera nécessaire à la construction de 4 000 km et à la modernisation de presque autant de lignes à haute tension raccordant le nord avec le sud du pays. Un investissement qui sera largement répercuté sur les consommateurs. Pour les gestionnaires du réseau de transport il faudra aussi vaincre les réticences des riverains. Une nouvelle loi pourrait faciliter les autorisations et réduire les délais de construction de 10 à 4 ans.
Enfin, le prix d’achat de l’électricité produite à partir d’énergies renouvelables est réglementé et le surcoût est supporté par les consommateurs finals. Essentiellement même par les ménages puisque les entreprises sont quasiment exemptées de la participation à la subvention des énergies renouvelables. En 2011, cette contribution (EEG-Umlage) s’élevait ainsi à près de 36 €/MWh (coût global du MWh : près de 250 €). Pour comparaison, en France, une contribution équivalente (CSPE, contribution au service public de l’électricite) était, à la même époque, de 7,5 €/MWh (coût global du MWh : 120 €).
Les économies, la meilleure source d’énergie de l’Allemagne
Même si la grogne commence à se faire entendre, dans les esprits allemands la transition reste inéluctable. D’autant qu’apprendre à vivre et à produire avec moins d’énergie pourrait à terme devenir un avantage compétitif. Énergies alternatives, stockage de l’électricité, réseaux intelligents, techniques du bâtiment : autant de domaines dans lesquels les industriels allemands pourraient acquérir une avance considérable sur leurs principaux concurrents.
Le concept énergétique allemand de réduire avant tout la consommation d’énergie est une préoccupation présente dans le pays depuis le début du XXe siècle. En raison de mesures déjà prises, l’Allemagne présente aujourd’hui un taux d’intensité énergétique intéressant malgré la puissanceEn physique, la puissance représente la quantité d'énergie fournie par un système par unité de temps...
de son industrie (151 kilos équivalent pétrole pour 1 000 euros de PIB contre 164 pour la France).
D’ici 2020, l’objectif est de ne plus construire que des bâtiments « zéro-énergie ». Parallèlement, l’innovation est mise en avant. L’association Smarthome Initiative Deutschland, par exemple, encourage l’usage de compteurs intelligents pour mieux gérer les consommations d’énergie domestique. Quant à l’efficacité des équipements, les critères de sélection deviendront plus drastiques encore et le gouvernement allemand soutiendra, aux côtés de la France, une politique européenne de standards et de labels alignés sur la meilleure technologie sur le marché.