Points de vue
Efficacité énergétique : quelles cartes à jouer ?
François Moisan et Jean-François Minster donnent leur avis.
La transition énergétiqueLa transition énergétique désigne le passage du système actuel de production d'énergie... et écologique ne sera couronnée de succès que si la société évolue sans que cela soit une contrainte. François Moisan, directeur exécutif de la Stratégie et de la Recherche de l’Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Énergie explique à Planète Énergies la philosophie des scénarios élaborés par l’ADEME.
« La transition énergétique suppose une évolution profonde de nos technologies, de notre économie et de nos modes de consommation. Il ne s’agit pas seulement d’inflexions mais de véritables mutations. Une telle ambition peut être anxiogène pour les citoyens : « Il va falloir que je me restreigne, que je réduise mon usage de la voiture ! ».
Les visions que l’ADEME a de la société française en 2030 et 2050 montrent que les objectifs sont atteignables sans perdre en qualité de vie, sans diminuer nos revenus, bien au contraire. Il faut convaincre que tout cela est réalisable sans retour à la bougie…
Les scénarios réalisés par l’ADEME dans le cadre du débat sur la transition énergétique reposent sur une inflexion des tendances passées jusqu’à l’horizon 2030. Une politique ambitieuse de maîtrise des consommations permettrait ainsi de réduire de 18 % la demande d’énergie en valeur absolue. A l’horizon 2050, notre approche a été beaucoup plus normative et nous avons construit une vision qui satisfaisait l’objectif du facteur 4 (réduction par 4 des émissions de gaz à effet de serrePhénomène naturel permettant un accroissement de la température de l'atmosphère d'une planète grâce à la présence de certains gaz... ), pour faire en sorte que la France contribue à la limitation du réchauffement climatiqueLe réchauffement climatique, appelé aussi réchauffement planétaire ou réchauffement global, est un phénomène d'augmentation de la température moyenne des océans... à moins de 2 °C. Cela se traduit notamment par une division par 2 de la demande d’énergie sans réduction de la croissance économique ni de notre confort.
L’enjeu le plus important de cette transition, c’est de montrer ce que cela veut dire pour les gens. Dans une trajectoire de décarbonisation complète de notre économie d’ici la fin du XXIe siècle, nous vivrons en 2050 dans des bâtiments rénovés aux performances énergétiques considérablement améliorées grâce aux technologies déjà développées mais aussi des progrès techniques et économiques attendus. Nous utiliserons des modes de transport bénéficiant des avancées technologiques en cours de développement et de déploiement, des véhicules adaptés à chaque usage. Les entreprises auront capitalisé les technologies de production les plus sobres et les plus propres, facilitant le recyclage et l’économie circulaire. La production d’énergie s’appuiera de façon croissante sur les énergies renouvelablesOn appelle énergie renouvelable une source d'énergie dont le renouvellement naturel est immédiat ou très rapide... décentralisées (éolien et photovoltaïque pour la production d’électricité, biométhane et électricité pour les véhicules, biogazLe biogaz est l'un des produits de la méthanisation (digestion anaérobie) de déchets d’origine biologique... dans le réseau de gaz et biomasseDans le domaine de l'énergie, la biomasse se définit par l'ensemble des matières organiques d'origine végétale ou animale... pour la chaleurAujourd'hui, en thermodynamique statistique, la chaleur désigne un transfert d'agitation thermique des particules composant la matière... ).
Cette vision n’est pas une utopie technologique. Dans nos scénarios, nous n’avons pas pris en compte des évolutions technologiques aventureuses, nous avons considéré des technologies commercialisées ou au seuil du marché.
De profondes mutations de nos modes de vie sont sans doute nécessaires pour satisfaire nos aspirations de progrès. Certaines sont déjà en cours comme les nouveaux services de mobilité ou la consommation collaborative de biens d’équipements que permettent les nouvelles technologies de communication. D’autres vont se déployer à partir d’expérimentations conduites dans les territoires. L’intelligence déployée dans les logements de demain va permettre aux particuliers de devenir des producteurs-consommateurs d’énergie capables d’arbitrer entre leurs différents besoins et la valorisation de leur production. Les modes de consommation alimentaires vont évoluer vers des modèles plus soucieux de la santé et de l’environnement, créant de nouvelles opportunités pour une agriculture plus durable. Ces transformations vont s’appuyer sur de nouveaux modèles économiques permettant une nouvelle forme de croissance et l’émergence de nouveaux métiers.
Car nous ne sommes pas dans une logique de décroissance. Nos scénarios prévoient en 2050 un produit intérieur brut de 2 points plus élevé de ce qu’il serait en restant sur les tendances actuelles. Ils prévoient aussi 300 000 emplois de plus en 2030 et 800 000 en 2050.
Les pays qui feront rapidement le choix de la transition seront en avance sur les autres au XXIe siècle ».