Points de vue
Des avis d'experts sur l'éolien

Jean-Louis BalPrésident du Syndicat des Énergies Renouvelables (SER)"L’éolien a aussi un champ d’extension notable avec les installations offshore."
L’éolien, un élément moteur de l’essor des énergies renouvelables
L’énergie éolienne, produite par la force des vents, est un élément essentiel sur la palette des énergies renouvelablesOn appelle énergie renouvelable une source d'énergie dont le renouvellement naturel est immédiat ou très rapide... , avec le solaire, la biomasseDans le domaine de l'énergie, la biomasse se définit par l'ensemble des matières organiques d'origine végétale ou animale... , l’hydro-électricité, les énergies marines ou la géothermieLe terme géothermie désigne à la fois la science qui étudie les phénomènes thermiques internes au globe terrestre... . Jean-Louis Bal, président du Syndicat des énergies renouvelables, analyse le développement éolien dans le monde et en France.
L’énergie éolienne doit être replacée dans l’élan mondial qui caractérise les énergies renouvelables. L’Agence internationale de l’énergie (AIEL'AIE (IEA en anglais) est une agence autonome au sein de l'OCDE, créée en 1974 lors du premier choc pétrolier... ) a récemment revu à la hausse ses prévisions : les énergies renouvelables représenteront 28 % de la génération électrique en 2021, contre 23 % en 2015, illustration de leur très forte croissance. L’instabilité des marchés des énergies fossiles et la nécessité de limiter les émissions de gaz à effet de serrePhénomène naturel permettant un accroissement de la température de l'atmosphère d'une planète grâce à la présence de certains gaz... conduisent à une situation où les énergies renouvelables s’imposeront en haut des bouquets énergétiques des pays. L’éolien y occupe toute sa place.
Donnons quelques chiffres : en 2015, la croissance a été principalement assurée par l'éolien terrestre (63 GW installés pendant l’année) et par le solaire photovoltaïque (49 GW). Fin 2015, il y avait 417 GW éolien installés dans le monde (405 GW sur terre, 12 GW en mer). L’Europe tient encore la tête (136 GW), talonnée par la Chine (128 GW), l’Amérique du Nord arrivant en 3ème position (88 GW). L’éolien est en forte croissance en Chine, aux États-Unis et en Inde, et dans une série de pays plus petits (Egypte, Maroc, Iran, Afrique du Sud). L’Europe a vu sa croissance ralentir, son pays leader – l’Allemagne – arrivant à une relative saturation.
La France avait en juin 2016 une capacité installée de 11 GW. Son rythme de croissance a varié dans le temps : en 2009, année record, la France avait installé 1 246 MW, puis le chiffre avait baissé année après année jusqu’à 621 MW en 2013, avant de remonter à un niveau assez stable à 1 100 MW par an.
La baisse était due aux superpositions des contraintes réglementaires, imposées par le régime des ICPE (Installations classées pour la protection de l'environnement) et à la multiplication des recours des associations anti-éoliennes qui s’opposent systématiquement à toutes les autorisations. Le redécollage actuel a été rendu possible par les mesures de simplifications qui ont été adoptées à partir de 2012.
Les conditions du développement
D’une façon générale, plusieurs facteurs entrent en jeu dans le développement de l’éolien :
- la qualité des « gisementsUn gisement est une accumulation de matière première (pétrole, gaz, charbon, uranium, minerai métallique, substance utile…)... », c’est-à-dire la force et la régularité des vents ;
- les coûts d’investissement (CAPEX), qui, outre du prix des turbines, de leur installation et de leur raccordement, dépendent de la longueur des procédures et des études et des coûts financiers du capital. En France, le montage d’un projet coûte cher compte tenu de la lourdeur des procédures. Ce coût est très faible dans les pays émergents, comme le Maroc ou l’Egypte où de grandes surfaces sont disponibles ;
- les progrès technologiques qui permettent de meilleurs facteurs de capacité et des réductions des coûts d’exploitation (OPEX).
D’une façon générale, les coûts du kWh produit par l’éolien ont baissé. Certes pas de façon aussi spectaculaire que dans le solaire photovoltaïque, mais ils sont descendus en Europe à des niveaux entre 65 et 85 dollars du MWh alors qu’en 2010 ils étaient en moyenne au-dessus de 100 dollars, selon l’AIE. Certains appels d’offres ont été octroyés récemment avec des prix encore plus faibles là où les très grands parcs sont possibles, comme en Egypte (40 dollars) ou au Maroc (environ 30 dollars).
Les perspectives de l’offshore
L’éolien a aussi un champ d’extension notable avec les installations offshoreTerme anglais désignant les zones et les opérations d'exploration ou d'exploitation pétrolières en mer... , même si celles-ci ont un coût plus élevé : 200 euros du MWh en France, mais déjà 87 euros aux Pays Bas, raccordement compris, soit pas loin des coûts du terrestre. La grande différence entre le prix français et le prix hollandais s’explique par les progrès technologiques récents, un meilleur gisement éolien et, surtout, une simplification du cadre réglementaire des appels d’offres. Aux Pays-Bas les études préalables (vent, bathymétrieTopographie des fonds marins et océaniques. Les mesures bathymétriques permettent d'établir une carte des profondeurs d'eau. , géotechnique) sont réalisées par l’État avant les appels d’offres et les autorisations administratives sont accordées avec la désignation du lauréat.
L’éolien en mer est un monopole quasi-européen, qui s’explique par l’étroitesse des territoires disponibles. Les États-Unis en revanche, avec leurs vastes étendues désertes n’ont pratiquement pas touché ce secteur. Selon l’AIE, 11 GW sont installés en Europe et 1 GW en Chine. Le Royaume-Uni mène la course (5,1 GW), devant l’Allemagne (3,3 GW) et le Danemark, avec 1,3 GW, ce qui est considérable, compte tenu de la taille du pays.
La France n’a pas encore d’éolien offshore mais deux appels d’offres pour un total de 6 parcs (3000 MW) ont été lancés avec un début d’engagement de trois parcs, … qui sont évidemment l’objet de recours ! Il est improbable qu’il y ait un démarrage avant 2019-2020.
Ingénieur civil électricien, Jean-Louis Bal est diplômé de l’École Polytechnique de Louvain (Belgique). Après avoir travaillé dans des entreprises privées du domaine de l’énergie solaire pendant 17 ans, il a rejoint l’ADEME (Agence française de l’environnement et de la maitrise de l’énergie) en 1992 où il a travaillé à la promotion des énergies renouvelables et de l’efficacité énergétiqueEn économie, l'efficacité énergétique désigne les efforts déployés pour réduire la consommation d'énergie d'un système... . Il a été l’un des principaux rapporteurs du Grenelle de l’environnement. Il est élu président du Syndicat des énergies renouvelables (SER) en 2011 et renouvelé dans ses fonctions en 2013. Le SER compte quelque 350 entreprises adhérentes et publie chaque trimestre un « panorama de l’électricité renouvelable » avec RTE, Enedis et l’ADEeF.