New Delhi face au défi de la pollution

Actualisé le 09.06.2023
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Histoire, géographie et géopolitique

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New Delhi, la capitale de l’Inde, est l’une des composantes du territoire de Delhi, qui regroupe plus de 16 millions d’habitants. Avec les deux villes nouvelles de Gurgaon et de Noida, où sont établis les sièges des grandes entreprises indiennes et internationales, la « région capitale » atteint 25,7 millions d’habitants, ce qui en fait la quatrième plus peuplée du monde, derrière Tokyo, Djakarta et Lagos. L’aire urbaine de Delhi a dépassé, en population et en part de produit intérieur brut (PIB), celle de Mumbai (Bombay), qui est la 6ème du monde.

Une superposition de villes

La distinction entre Delhi et New Delhi, qui s’est effacée dans le langage courant, est un héritage historique. Delhi est la vieille ville construite par les dynasties mogholes au XVIIe siècle, avec son « Fort rouge », sa grande mosquée et son réseau inextricable de ruelles écrasées par des immeubles vétustes. Quasi-immuable, elle constitue le cœur touristique de la capitale.

New Delhi est la nouvelle ville dessinée au début du XXe siècle par l’Empire britannique suite à sa décision de déplacer la capitale autrefois à Calcutta. Tracées au cordeau autour du palais présidentiel et de la perspective du Rajpath, les avenues y sont très larges, bordées de villas (appelés « bungalows ») et de jardins. Mis à part quelques grands immeubles autour de Connaught Place, l’urbanisme de New Delhi est resté en l’état et symbolise le pouvoir politique indien.

L’expansion moderne s’est réalisée dans deux agglomérations totalement nouvelles, Gurgaon, au sud-ouest, bâtie à partir d’un village, et Noida, au sud-est, créée à partir de rien puisque son nom même est un acronyme. Elles rassemblent, sans plan d’urbanisme vraiment dessiné, des gratte-ciel ultramodernes, des centres commerciaux, les quartiers-généraux de tous les grands groupes et des cités d’immeubles pour loger les classes moyennes indiennes en plein essor. Tout le reste de la couronne qui entoure Delhi a été submergé par une mosaïque hétérogène de résidences de luxe, de lotissements résidentiels et d’installations précaires, les jhuggi-jhopri, occupées par les migrants venus des campagnes ou les ouvriers venus avec leurs familles pour travailler sur les chantiers.

10 millions :
le nombre de véhicules à moteur à New Delhi, dont 4 millions de voitures et 6 millions de scooters et de rickshaws.

Le fléau de la pollution

New Delhi est la plus polluée des grandes métropoles mondiales. Plusieurs facteurs y contribuent, notamment les vents de sable venus des plaines très sèches du Rajasthan, la pratique des brûlis de chaumes des campagnes environnantes, la proximité de quelques centrales thermiques et la large utilisation par les habitants les plus modestes de la  pour le chauffage et la cuisson des aliments. Mais la cause principale en est la circulation, qui a explosé dans la métropole indienne. Quatre millions de voitures et camions sont enregistrés à Delhi, deux fois plus qu'en 2000, et plus de 1 000 supplémentaires sont immatriculés quotidiennement. Si l’on inclut les deux roues, et les fameux rickshaws à trois roues, ce sont 10 millions de véhicules à moteur qui tournent dans la capitale indienne. Aux heures de pointe, il faut près de deux heures pour parcourir les 30 km entre le centre de New Delhi et Gurgaon.

Résultat, la capitale indienne connaît un fort taux de particules fines, c’est-à-dire en dessous d’un diamètre de 2,5 micromètres (μm)1. Leur concentration, calculée en microgrammes (μg)2 par mètre cube (m3), atteint 122 à Delhi en moyenne annuelle. En comparaison, Pékin est à 85, Le Caire à 57 et Paris à 18, selon les relevés de l’OMS3. Début novembre 2016, après la fête hindoue de diwali où tout le monde lance des pétards et des feux d’artifice, le niveau a atteint 1 000 μg/m3

Il faut noter que des villes de taille plus petite atteignent des niveaux encore plus élevés : Gwalior, à 350 km au sud de New Delhi, atteint une concentration de 176 μg/m3 en moyenne annuelle et Allahabad 170. Parmi les 30 villes du monde les plus soumises aux particules fines, l’Inde en compte 164.

Mesures ponctuelles et développement du solaire

Les autorités ont pourtant pris des mesures. Elles ont contraint les dizaines de milliers de bus et de rickshaws à se convertir au gaz naturel comprimé. La circulation des camions a été restreinte aux heures de nuit. Des formules de circulation alternée sont testées. La plupart des centrales thermiques ont été éloignées5. Un métro a été installé (tardivement) à partir de 2002 et son réseau, encore peu dense, est en voie d’extension. Le gouvernement a enfin affirmé une transition vers les véhicules « tout électrique » d’ici 2030.

La solution de fond réside, pour le pays en général, dans le développement des énergies renouvelables (ENR) pour réduire la dépendance au charbon et au fuel dans la production d‘électricité (voir le dossier « L’Inde et l’énergie »). Le gouvernement a lancé en 2015 un programme gigantesque qui prévoit 175 GW d’ENR additionnelles en 2022. Le solaire est prédominant, avec un objectif d’installations nouvelles de 60 GW pour les parcs et de 40 GW pour les toitures. À titre de comparaison, la photovoltaïque totale installée en France était fin 2016 inférieure à 7 GW.

Mais cette politique est difficilement applicable dans la région de la capitale. Le prix élevé du foncier, et bien souvent son caractère spéculatif qui est à l’origine de beaucoup de fortunes indiennes, empêche le développement de parcs, qu’ils soient solaires ou éoliens. L’installation en toiture démarre très lentement, en raison du coût de l’équipement de l’habitat déjà bâti et de l’absence d’une politique de subventions publiques. En outre, le climat très chaud qui règne à Delhi conduit fréquemment à des pics de consommation, qui sont peu compatibles avec l’intermittence du solaire. Les particuliers et les entreprises surmontent les coupures de courant fréquentes par le recours à des générateurs au fuel.

Les bus et les taxis à trois roues de New Delhi circulent désormais au gaz naturel comprimé.

Une approche globale

Sous l’impulsion du Premier ministre Narendra Modi, qui a déjà profondément modifié le de son État d’origine, le Gujarat, le gouvernement indien a adopté pour l’évolution des villes une approche globale, prenant en compte les exigences économiques, sociales mais aussi de bonne gouvernance. Il a ainsi mis les villes indiennes en compétition en une sorte de grand concours urbanistique en leur fixant des critères à atteindre en même temps : 10 % au minimum d’énergie solaire, un souci de mixité sociale, la viabilité du financement, la participation des citoyens, une gestion managériale moderne et au moins une solution « intelligente » (système de gestion du trafic, recyclage, etc). Une centaine des villes les plus imaginatives doivent être soutenues pour former un réseau structurant, notamment le long corridor des 1 500 km qui séparent Delhi de Mumbai (Bombay).

Sources :
  1. 1 micromètre = 1 millionième de mètre
  2. 1 microgramme = 1 millionième de gramme
  3. L’OMS (Organisation mondiale de la Santé) a fixé la limite des particules fines à 10 μg/m3 en moyenne annuelle et 25 μg/m3 en moyenne quotidienne
  4.  Panorama des villes mondiales – The Guardian (en anglais uniquement)
  5. Rappelons que le   indien dépend encore à plus de 70 % du charbon (source AIE ). Mais le pays s’est fixé un objectif de 40 % d’électricité non carbonée à l’horizon 2030.

 

 

 

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