Les métaux rares, des éléments devenus stratégiques

Publié le 30.08.2018
Lycée
Sciences économiques et sociales

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L’essor continu et rapide depuis les années 1990 des énergies renouvelables et des technologies numériques a fait naître un besoin croissant en de nombreux métaux dont beaucoup sont rares dans la nature ou produits en petites quantités. Assurer la disponibilité de ces « métaux rares » est devenu un enjeu critique : s’ils venaient à manquer, des secteurs aussi stratégiques que l’électronique grand public, la téléphonie, les véhicules électriques, le traitement des carburants, l’éolien pourraient être freinés dans leur développement.

Des ouvriers chinois manipulent les résidus d'usines de traitement de terres rares, près de la ville de Baotou, en Mongolie intérieure (Chine).

La production des batteries électriques, la technologie des « aimants permanents » et plusieurs processus industriels notamment dans le  et l’automobile ont besoin de ces métaux rares, au point que ceux-ci sont quelquefois qualifiés de « pétrole du XXIe siècle ».

 

4,5 grammes :
la masse de terres rares que peut contenir le disque dur de votre ordinateur.

Les batteries électriques : l’exemple du lithium

Les appareils « nomades », notamment les téléphones et les ordinateurs portables, ont fait bondir la demande en batteries de petite taille. En 2017, 1,5 milliard de terminaux mobiles connectés se sont vendus sur la planète. Même s’il est encore limité, le marché de la voiture électrique exige de prévoir des batteries de tailles intermédiaires. Enfin, des capacités massives de stockage d’électricité sont nécessaires pour le développement des énergies renouvelables intermittentes, comme l’éolien ou le photovoltaïque.

La technologie qui domine aujourd’hui ces marchés est celle de la batterie lithium-ion1, même si elle a été quelquefois mise en cause pour son risque d’échauffement pouvant conduire à une combustion brutale. Les recherches sur d’autres types de batteries n’utilisant plus ce lithium « ionisé » sont très actives dans le monde entier, mais le lithium restera indispensable pendant une longue période, surtout dans les petites et moyennes capacités. L’utilisation du lithium pour les batteries devrait augmenter de plus de 50 % d’ici 2025 par rapport à 2014.

Les terres rares sont toujours associées à d’autres minerais, ce qui implique des techniques de séparation coûteuses.

Le lithium est un métal qui se trouve notamment dans les fonds de lagunes et de lacs asséchés des zones désertiques. Plus de la moitié des ressources mondiales se concentre dans trois pays : la Bolivie, le Chili et l’Argentine. Il n’y a pas actuellement de pénurie, mais l’augmentation des besoins peut faire apparaître ce risque à moyen terme même si le recyclage du lithium fait l’objet de nombreuses recherches. En outre, les batteries lithium-ion utilisent aussi du cobalt et du graphite (une forme du carbone), des espèces minérales également importantes pour l’industrie.

Les moteurs miniaturisés : l’importance des « terres rares »

Les moteurs sont présents dans une multitude d’équipements. Ils ont besoin d’éléments magnétiques, généralement des électroaimants constitués d'un noyau en ferrite et d'un bobinage de cuivre. Or un certain nombre de métaux appelés « terres rares » (voir encadré) permettent d’avoir des aimants « permanents » qui ont une force d’aimantation très importante dans un très petit volume. Ils sont donc utilisés dans des systèmes qui exigent une miniaturisation : il peut s’agir d’un système de guidage de missiles balistiques mais aussi d’un aspirateur haut de gamme ou du disque dur d’un ordinateur. Ce dernier peut contenir jusqu’à 4,5 grammes de terres rares, un chiffre modeste mais qui, multiplié par des centaines de millions d’unités, devient une quantité à prendre en compte à échelle industrielle.

Dans le secteur des énergies renouvelables, l’éolien est très consommateur d’aimants permanents. Les éoliennes sont très hautes pour capter les vents puissants et il faut donc alléger leur poids. D’autre part, l’aimant permanent a une maintenance beaucoup plus facile qu’un système à bobinage, ce qui est très appréciable en milieu marin. Une éolienne géante de 7 MW peut comporter jusqu’à 4 tonnes d’aimants, qui requièrent plus d’une tonne de terres rares.

L’industrie des carburants : les catalyseurs

Plusieurs « terres rares » ont des propriétés de « catalyseurs », c’est-à-dire qu’elles augmentent la vitesse d’une réaction chimique sans la perturber.

Des matières comme le cérium ou le lanthane sont ainsi apparues indispensables dans les procédés du raffinage du  et dans la technologie des pots catalytiques de l’industrie automobile. Les pots catalytiques contrôlent l’échappement des moteurs à combustion interne et réduisent les émissions de particules. Ils sont donc devenus essentiels pour respecter les normes environnementales.

D’autres filières industrielles ont recours aux qualités électroniques et luminescentes des terres rares, notamment pour la fabrication d’écrans et de sources lumineuses. L’industrie des verres et céramiques et celle des alliages ont elles aussi recours à ces métaux.

Métaux rares, terres rares, matières critiques

Contrairement aux grands métaux industriels (cuivre, fer, zinc, etc), les métaux rares sont produits en faible tonnage (moins de 100 000 tonnes par an, selon le critère du BRGM, le Bureau français de Recherches géologiques et minières). Il y en a une quarantaine. On y inclut par exemple le cobalt, le tungstène, le lithium, le mercure, le tantale, le niobium.

Cette catégorie comprend une famille spécifique appelée « terres rares ». Ce sont les lanthanides du tableau périodique des éléments, auxquels on ajoute l'yttrium et le scandium. Il y a au total 17 terres rares. Les plus utilisées sont le cérium, le lanthane et le néodyme.

Les terres rares sont toujours associées à d’autres minéraux. Pour les séparer, deux techniques principales existent : soit la  (fondée sur les réactions hydrophobes ou hydrophiles des particules minérales par rapport à l’eau), soit des procédés chimiques (comme par exemple le traitement au cyanure ou au mercure). La première technique n’est généralement pas polluante, la seconde peut être dangereuse si elle n’est pas effectuée selon des règles précises. Lorsque leur prix sur le marché ne couvre pas le coût de ces techniques de séparation, beaucoup des métaux rares restent abandonnés en surface dans les « stériles », ces montagnes de roches non exploitées qui entourent généralement les puits de mines.

L’accès à ces ressources est devenu un enjeu géopolitique majeur. Les métaux rares font partie des « ressources critiques », c’est-à-dire essentielles pour le bon fonctionnement des industries d’un pays et qui présentent un risque de pénurie, souvent parce qu’elles sont importées. L’Union européenne publie régulièrement une liste de ressources critiques2, comprenant des éléments non métalliques, comme le caoutchouc, les phosphates ou le gaz hélium. En France, le BRGM a été chargé d’établir chaque année des études sur les métaux potentiellement stratégiques pour l’économie française3.

Les perspectives en France

Un rapport de l’Académie des Sciences et de l’Académie des technologies5 a évalué en mai 2018 les quantités de métaux rares ou critiques qui seront nécessaires pour satisfaire aux objectifs français de à l’horizon 2050.

Selon le rapport, le programme de véhicules électriques fait appel à des quantités de lithium et de cobalt qui excèdent, à technologie inchangée, les productions mondiales d’aujourd’hui , et ce pour satisfaire le seul besoin français !

Si l’on considère l’analyse économique, le flux financier annuel pour assurer l’approvisionnement en matières premières pour la production des véhicules électriques à batteries serait du même ordre de grandeur que celui des importations actuelles de pétrole pour assurer l’approvisionnement en carburant.

Toutefois, cette situation ne signifie pas que cette transition est infaisable, selon le rapport. L’adaptation des filières minières, l’évolution des technologies, les capacités de recyclage font que les situations de pénurie sont peu probables.

Le rapport estime aussi que la France a un avenir minier possible. La Nouvelle-Calédonie fournit déjà du nickel , du chrome et du cobalt. La Guyane présente un potentiel pour différents métaux : niobium , tantale , tungstène , étain , lithium , cobalt et or . Le Massif armoricain et le Massif central sont des régions riches en matériaux stratégiques connus. Les techniques actuelles permettent des exploitations environnementalement et socialement acceptables.

Sources :
  1. Le lithium est un métal dont l’ cède facilement un électron. Il devient alors un ion, d’où le terme Lithium-ion.
  2. Liste de l’UE 
  3.  Les monographies du Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM)
  4.  Stratégie d’utilisation des ressources du sous-sol pour la transition énergétique française

 

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