Le « Grand Paris » : un déploiement sur 20 ans

Publié le 19.03.2018
Lycée
Sciences de la vie et de la terre

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Le projet du « Grand Paris », prévu pour se déployer sur deux décennies, vise à créer une agglomération cohérente sept fois plus vaste que le Paris historique actuel, avec une population 3,5 fois plus importante. Le défi est de donner une homogénéité à un territoire qui a connu jusqu’alors un développement « en étoile » avec des axes ferroviaires et routiers rayonnant à partir du centre de Paris.

Image d'une maquette d'architecte de la future gare du Grand Paris Express appelée "Pont de Bondy"

Le Paris « intra-muros » qui attire les touristes du monde entier est un centre très compact, ne regroupant qu’un peu plus de 2,2 millions d’habitants, sur une surface réduite de 100 km2. L’existence de grands boulevards dessinés sur les anciennes fortifications, d’un périphérique autoroutier et d’un nouveau tramway circulaire ont accru cette image d’une ville encapsulée.

Le « Grand Paris » va englober les trois départements de ce qui est appelé la « petite couronne » (Seine-Saint-Denis, Hauts-de-Seine et Val-de-Marne), plus quelques communes plus excentrées, ce qui constitue un espace sept fois plus grand que le centre historique. Même ainsi augmentée, la superficie de la métropole parisienne sera encore inférieure à celle du Groß Berlin (880 km2) ou de l’Outer London (1 250 km2). Au total, la Métropole du Grand Paris (MGP) regroupera 7,5 millions de personnes, soit plus de la moitié des habitants de la région Île-de-France, et concentrera 25 % de la richesse nationale. Elle sera divisée en « territoires » d’au moins 300 000 habitants, Paris constituant lui-même un territoire1.

L’objectif est de confirmer la place de Paris comme métropole économique mondiale, exemplaire sur le plan de la durabilité. L’organisation des Jeux olympiques de 2024 et la volonté d’accroître le statut de centre financier européen après le Brexit britannique ont renforcé ces aspirations à dépasser l’image de ville-musée. Parallèlement, les communes concernées insistent sur la nécessité de rendre la vie de leurs habitants plus agréable, notamment en matière de logement et de transports.

La colonne vertébrale des transports

Le principal défi est de rompre avec la vision radiale qui a marqué l’urbanisme parisien. Les « villes nouvelles » des années 1960 sont mal reliées entre elles et difficilement connectées au centre de Paris par des moyens de communication saturés.

La pièce maîtresse du projet est la création d’un nouveau réseau de transports publics, constitué de quatre lignes qui dessineront une sorte de rocade autour de Paris. Ce « Grand Paris Express » sera un métro automatique, avec un réseau de 200 km tantôt en surface, tantôt en sous-sol. Il devrait soulager les lignes existantes du Réseau Express Régional (RER) qui convergent vers le centre de Paris et donc établir de meilleures liaisons de « banlieue à banlieue » (un mot d’ailleurs appelé à s’effacer dans une vision moins centralisée). Il devra désengorger les autoroutes et réduire le nombre de voitures entrant dans Paris « intra-muros ». La municipalité a rejeté en janvier 2018 l’idée d’un péage urbain comme il en existe déjà à Londres ou Göteborg (Suède). Mais le gouvernement français prépare une loi qui pourrait faciliter la mise en place de tels systèmes, avec des caméras de reconnaissance de plaques d'immatriculation.

Les nouvelles lignes seront interconnectées avec les réseaux de métro et de RER actuels, assureront des liaisons plus rapides avec les aéroports et le quartier d’affaires de La Défense. Elles relieront les bassins d’emploi et sept grands pôles économiques de la région qui s’organiseront sur des thèmes spécifiques, selon le concept de « clusters ». Les 68 gares nouvelles qui sont prévues d’ici 2035 auront une fonction d’aménagement urbain en étant au centre de zones résidentielles et commerciales. Les dates et les investissements publics faisaient encore l’objet de consultations en janvier 2018.

68 :
le nombre de gares nouvelles prévues pour réorganiser les transports dans le « Grand Paris ».

Trois axes pour l’efficacité énergétique

Le « Grand Paris Express » devrait avoir un effet direct sur la consommation d’énergie en ramenant vers les transports en commun une partie des habitants contraints aujourd’hui à des déplacements automobiles.

Le projet s’accompagne aussi d’un « plan local énergie », élaboré progressivement à partir d’une cartographie très détaillée du « Grand Paris », ouverte au public sous une forme interactive2. Celle-ci dresse l’état précis des immeubles et maisons selon leur statut et leur date de construction, ainsi que leur consommation énergétique. Elle recense les réseaux de existants, les potentiels géothermiques et solaires.

 

À partir de cet outil, trois axes d’action ont été définis :

  • Agir sur l’enveloppe des bâtiments. La situation est moins bonne en dehors de Paris que dans le centre. Les bâtiments les plus énergivores sont ceux construits entre 1940 et 1990, et c’est le cas des deux-tiers des bâtiments de l’Île-de-France. C’est sur eux que la rénovation thermique sera menée prioritairement.
  • Favoriser l’optimisation des réseaux de chaleur. L’Île-de-France compte plus de 100 réseaux de chaleur, alimentant plus d’un million d’équivalent-logements3, dont le plus important (près de la moitié) est à Paris4. L’objectif est d’augmenter ce chiffre de 40 % d’ici 2020 (par rapport à 2009) et de passer en même temps de 30 à 50 % la part d’énergies renouvelables dans le mix des réseaux. Cette densification peut être obtenue en raccordant les immeubles alentour à un réseau existant ou en créant de nouvelles boucles locales liées par exemple à la .
  • Exploiter les gisements locaux d’énergies renouvelables et de récupération de déchets (ENR&R). Les secteurs pavillonnaires peuvent tendre vers une autonomie énergétique avec l’énergie solaire, la géothermie fermée (avec sondes à faible profondeur) et l’utilisation de la .
Avec 700 km2, le « Grand Paris » se rapproche du Groß Berlin (880 km2) mais est encore loin de l’Outer London (1 250 km2).

Une gouvernance innovatrice

L’État lui-même et le conseil de la Métropole rassemblant les communes concernées constituent l’ossature de la gouvernance. Il a fallu surmonter les divergences entre hauts fonctionnaires et élus locaux, ainsi que les rivalités entre communes elles-mêmes. Il a été choisi d’associer 14 équipes d'urbanistes de plusieurs pays et d’ouvrir des « boîtes à idées » invitant le grand public à « dessiner le Grand Paris » ou « réinventer la Seine ».

Sources :

  1. Site de la Métropole du Grand Paris
  2. Voir la carte
  3. L’équivalent-logement est une unité calculée à partir de la consommation moyenne d’un logement collectif en France. Elle est d’environ 10 MWh par équivalent-logement (statistiques 2015).
  4. Voir la carte des réseaux de chaleur

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