Du gaz pour les poids lourds
Publié le 22.10.2018Lecture 10 min
La Commission européenne a présenté en 2018 un règlement destiné à encadrer pour la première fois les émissions de CO2 des camions poids lourds1. Jusqu’alors, les réglementations européennes portaient sur les émissions de particules et de gaz toxiques des poids lourds et, depuis 2008, sur les émissions de CO2 des véhicules particuliers. Pour respecter les nouvelles normes, les transporteurs routiers pourront s’appuyer sur une palette de solutions : amélioration continue des moteurs et des carburants pétroliers, meilleure aérodynamique, et surtout évolution vers de nouvelles mobilités moins émettrices (gaz, électricité, ). Parmi ces nouveaux modes de motorisation, le gaz est l’alternative aujourd’hui la plus avancée et connaît une progression rapide en Europe et dans le monde.

© CECCONI MICHEL / TOTAL - Le nombre de poids lourds roulant au gaz est encore faible en Europe mais pourrait s'envoler dans les dix prochaines années.
Comprendre les sigles
Le « gaz naturel pour véhicules » (GNV) est constitué à environ 97 % de méthane. Il est le même que celui utilisé par les particuliers pour le chauffage ou la cuisine, à partir du réseau public. Le GNV se présente sous forme comprimée (GNC) ou liquéfiée (GNL). S’il est produit à partir de déchets (agricoles, agroalimentaires, ménagers, boues de stations d’épuration), on parle alors de bio-GNV.
Il ne doit pas être confondu avec le GPL (gaz de pétrole liquéfié) qui est un mélange de propane et de butane, stocké en phase liquide (comme dans les bouteilles à usage ménager).
La forme aujourd’hui la plus répandue est le GNC, stocké à très haute pression (200 à 300 bars) dans des réservoirs adaptés à l’intérieur du véhicule. L’utilisation du gaz liquéfié, à une température de -161°C, est autorisée par les réglementations internationales depuis 2014 seulement. Il nécessite des réservoirs cryogéniques plus complexes, donc plus chers mais de taille réduite.
Les différents usages
Très utilisé pendant la seconde guerre mondiale, pour compenser la pénurie de pétrole, le gaz pour véhicules a été relancé à la fin des années 1990 pour des raisons environnementales.
La technologie s’est d’abord portée sur le gaz comprimé. L’autonomie des véhicules roulant au GNC n’est que d’environ 400 km. Leur utilisation s’est donc concentrée sur des flottes qui évoluent dans un périmètre limité : voitures d’entreprises et d’institutions publiques, véhicules utilitaires urbains, camions de ramassage d’ordures, logistique locale. En août 2018, sur 1 325 000 véhicules roulant au GNV en Europe2, les camions assurant un transport de longue distance n’étaient que 11 500.
Les perspectives pour les poids lourds
Mais l’Union européenne encourage par diverses mesures l’essor de la mobilité gaz, notamment à partir du GNL. Le carburant liquéfié occupe beaucoup moins d’espace que le GNC et assure donc une autonomie qui dépasse 1 200 km, comparable à celle garantie par le . Il est donc bien adapté aux longues distances.
Selon l’association des industriels européens du secteur (NGVA)3, le nombre de camions roulant au gaz pourrait passer de 11 500 à 470 000 unités en 2030, dont 280 000 fonctionnant au GNL.
Avantages et inconvénients
Le gaz naturel offre un net avantage par rapport au diesel en matière d’émissions de particules (-84 %), d’oxyde d’azote (-70 %) et de monoxyde de carbone (-37 %)4. En ce qui concerne les émissions de CO2, le gaz permet une réduction d’environ 20 % par rapport au diesel. En outre, il permet une réduction de consommation de carburants d’environ 15 %. Et surtout, si le gaz est produit à partir de la , son bilan est neutre, puisque le CO2 libéré à l’échappement est équivalent au CO2 absorbé par les végétaux qui ont été utilisés pour le produire. Mais la production de biométhane est encore faible en Europe (4 % de la consommation fin 2017).
Un inconvénient des camions roulant au gaz est qu’ils ont un surcoût à l'achat de 40 % en moyenne par rapport à un camion diesel. Mais les défenseurs du GNV font valoir que son prix est peu taxé alors que la fiscalité du diesel est à la hausse et qu’il permet des économies de carburant. Sur le long terme, un transporteur routier amortit ainsi son investissement de départ.
La question de la distribution
Comme pour toutes les motorisations nouvelles, l’étendue du réseau de distribution est un élément indispensable.
En août 2018, l’Union européenne comptait moins de 3 500 stations-services en GNV (contre plus de 100 000 pour les carburants pétroliers). L’Italie est de loin le pays le plus en avance (près de 1 000 stations), devant l’Allemagne et la Suède, qui a investi très tôt dans le bio-GNV. En France, environ 300 stations maillent le territoire (contre 11 000 pour les stations essence). Plus de 125 stations sont spécialement équipées pour les poids lourds5.
La distribution de GNV aux poids lourds dépend de multiples facteurs. Aux États-Unis par exemple, elle s’est très tôt développée par l’installation de stations sur de longs trajets fixes où les poids lourds effectuent des navettes très régulières. Le faible coût du gaz et la faible concurrence du réseau ferroviaire ont également facilité l’essor du GNV dans le transport routier de longue distance.
Sources :
- Les émissions de CO2 moyennes des nouveaux camions immatriculés dans l'Union devront être inférieures de 15 % en 2025, par rapport à celles de 2019, et d'au moins 30 % en 2030, selon ce règlement.
- Source Gaz-mobilité.
- Natural & bio Gas Vehicle Association.
- Dossier CRE.
- Localisation des stations en France.